Je n’avais pas jugé utile de m’exprimer dans cet espace à propos de l’abbé Pierre. La contribution jeudi de Madame « B.T.» et les déclarations du pape François lors de son déplacement en Belgique, ce vendredi, m’offrent l’occasion de prolonger le débat, si débat il y a.
Je suis partisan de distinguer le caractère humanitaire de l’action publique de ce prêtre, sans doute fondée sur une philosophie humaniste, de comportements qui sont du ressort de sa vie privée. Sauf que, en la matière, ils mettent en évidence la faillite d’un système qui impose la chasteté, au détriment de ce que Freud désignait par « pulsion de vie » (Eros, dont la signification première est : Amour).
La pulsion de vie renvoie à la sexualité. Eros est ainsi à l’origine de l’érotisme qui suscite la libido sans impliquer nécessairement de passage à l’acte. Cela étant, quand l’institution « Église » s’arroge le pouvoir d’exiger la chasteté, elle déshumanise en partie les femmes et les hommes qui s’engagent dans le sacerdoce. Les conséquences de cette injonction sont multiples ; citons seulement : la frustration dont on peut tenter de se dégager soit par l’agressivité (ici les agressions sexuelles), soit par la sublimation. L’une et l’autre ont leurs limites et je n’oublierai pas la culpabilité parfois ressentie quand il y a transgression d’un interdit et les effets déstabilisants de ce sentiment lié à une faute.
Je fais l’hypothèse que l’abbé Pierre a pu passer par ces états. Pour autant, je ne suis pas en train de dire que les actes qu’il a posés sont excusables et je pense aux victimes qui ont subi la double peine de l’agression et du silence plus ou moins explicitement imposé, entre autres par l’omerta à laquelle les « cadres » de l’Église catholique romaine se sont sentis tenus.
La question reste posée de la pertinence du maintien de la règle de chasteté et, au-delà, celle du célibat auxquels doivent consentir les prêtres. Il faut être lucide : une réforme éventuelle n’éradiquerait pas les risques de dérapage, mais sans doute seraient-ils atténués. L’Égalise, qui déplore la baisse des croyants et la désaffection des lieux de culte, serait bien avisée de moderniser sa structuration en autorisant le mariage, voire (rêvons un peu) le PACS et le concubinage. Une autre avancée consisterait à permettre aux femmes d’accéder aux mêmes fonctions que les hommes. Qu’est-ce qui fait obstacle à une telle évolution ? Sinon le maintien d’un pouvoir archaïque et contestable par ceux qui le détiennent encore.
L’abbé Pierre a été faillible, certes, mais aussi fragilisé par ce que j’ai appelé « le système », ce qui l’a conduit à l’erreur de jugement, puis à la faute. C’est en cela aussi qu’il reste humain. Mon âge avancé fait que je ne verrai jamais la concrétisation de cette évolution qui exige du temps mais que j’appelle cependant de tous mes vœux (pieux, cela va sans dire…)
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