L’actualité met en lumière depuis quelque temps déjà la question de l’emprise, à travers les relations de sportifs, de comédiens, de danseurs avec des adultes en position de responsabilité à leur égard (coach, metteur en scène, professeur…).
L’emprise est un phénomène complexe, caractérisé par le traumatisme « au carré » d’être le plus souvent dénié par l’entourage de la victime. La prise de parole ô combien courageuse de Judith Godrèche l’a montré. Elle fut aussitôt accusée de vouloir profiter de son histoire pour valoriser sa série, d’abuser de la vague me too, d’instrumentaliser sa relation avec un homme de 25 ans son aîné lorsqu’elle était adolescente. Mais qui a profité de qui ? Qui a abusé de sa position ? Qui a feint d’ignorer ce que la victime ignorait d’ignorer précisément, à savoir sa vulnérabilité absolue liée à son âge ?
L’adolescence est la période de tous les dangers psychiques, comme la petite enfance est celle de tous les dangers physiques. Les premiers pas du bébé exigent une vigilance accrue des adultes, les premières sorties de l’adolescent une attention subtile. Parce que c’est l’âge où l’identité se construit en cherchant d’autres figures d’identification que les parents, et que, si les premières figures d’attachement ont laissé chez l’adolescent un sentiment de solitude, de manque d’attention, de carences, une faible estime de lui, alors il sera prêt à croire « tout ce qu’on lui raconte » pour un peu d’attention, pour un peu d’encouragement, pour un peu de reconnaissance.
Le tour de passe-passe facile consisterait à voir dans ces relations un effet pygmalion.
Pygmalion, c’est ce sculpteur de Chypre descendant d’Athéna et d’Héphaïstos qui, déçue par les femmes chypriotes, se voue au célibat avant que de s’éprendre d’une de ses statues. Le pygmalion est celui qui tombe amoureux de son œuvre, en quelque sorte. Il y a donc un rapport réifiant à l’autre lorsque l’on parle d’un Pygmalion, un rapport narcissique à un objet. Appliquer cela à une relation d’adulte à adolescent me semble précisément soulever la nécessité de distinguer une relation inspirante et utile aux deux partenaires et une emprise qui est par définition une anti-relation, puisqu’il s’agit d’une fusion narcissique mortifère pour la victime vue comme un objet que l’on façonne et expose pour en tirer des bénéfices narcissiques.
La différence réside dans la capacité à sublimer l’attirance ou à la passer à l’acte. Qu’un artiste soit amoureux de son modèle, de sa muse, qu’un réalisateur soit amoureux de son actrice n’est pas en soi problématique.
L’admiration mutuelle entre un adolescent et un adulte est source de progrès pour l’adolescent, de confiance en lui, et pour l’adulte de retrouvailles avec sa propre vitalité psychique, son feu sacré, quand le « rythme de combustion » décroît comme le dit joliment Maurice Corcos. C’est un échange riche d’enseignements, de joies, de partage pour les deux protagonistes dès lors que l’adulte tient le cadre avec une absolue honnêteté et fait dévier une éventuelle attirance physique vers d’autres personnes en s’interdisant absolument de toucher un être qui, par sa différence d’âge et son admiration est vulnérable et incapable de dire non.
La gratification de l’adulte doit être celle d’être utile et inspirant. C’est la sublimation de la libido dans le plaisir de transmettre.
La gratification de l’adolescent doit être celle d’être vu, regardé, reconnu, encouragé, aidé, guidé, mais pas utilisé, enfermé, hypnotisé.
Qu’il y ait de la libido dans les rapports humains, de la séduction est une bonne chose, c’est un liant, un collagène social. Que cette libido soit sublimée est une énorme source d’énergie. Qu’elle soit passée à l’acte sexuellement ou qu’elle serve de justification à une relation fusionnelle qui coupe l’adolescent de ses pairs et de sa famille est un inceste social, une dérive sectaire avec un seul gourou et un seul disciple dans une logique paranoïaque où tout ce qui fait tiers est dangereux pour cet amour que nul ne saurait comprendre, la belle affaire.
Être fantasmé, être rêvé est nécessaire à la construction de l’adolescent et notre génération de jeunes actuelle souffre sans doute de ne plus rêver, mais aussi de ne plus être rêvée par nous dans son formidable potentiel. En revanche, être retenu est mortifère. Philia, Éros oui. Mais l’emprise fait basculer l’attirance et l’amitié dans Thanatos.
« L’emprise est l’inverse de l’amour. C’est une confusion des langues qui joue sur la vulnérabilité de l’un des deux »
Toute la différence réside dans la manière dont ses sentiments sont source de créativité dans le respect de chacun — de travail, de création, de jeu — ou de destructivité, avec une emprise perverse où le plus âgé enferme l’autre dans une illusion narcissique où chacun étant subjugué par l’autre, l’altérité est abolie.
La libido ne meurt pas dans la chasteté. Elle est commuée en plaisir de fonctionner à deux, de créer, imaginer, faire, au lieu d’être passée à l’acte et expulsée de façon stérile. Ce désir naissant de l’adolescent doit pouvoir être préservé et lui servir de moteur, de carburant qu’il déplacera sur d’autres figures et d’autres situations et lui fournira la motivation nécessaire pour franchir les obstacles qui jalonneront sa route et celle de ses ambitions. L’idéalisation oui, l’emprise non. Consommer au lieu de commuer, c’est retourner contre lui le désir d’un apatride social, l’adolescent qui n’est plus un enfant et pas encore un adulte.
L’emprise est l’inverse de l’amour. C’est une confusion des langues qui joue sur la vulnérabilité de l’un des deux. Un adolescent, même ayant atteint la majorité sexuelle légale, est influençable et se cherche d’autres figures identificatoires que ses parents. C’est pourquoi ses professeurs, ses idoles, ou tout adulte qui interagit avec lui se doivent de se poser l’interdit de consommer. Une adolescente carencée en attention et en affection dans sa famille, ou se sentant seule, sera une proie facile pour un adulte.
C’est à l’adulte de tenir le cadre et l’interdit inhérent à la différence d’âge. Les rencontres identificatoires avec des adultes qui ont vu notre potentiel sont importantes. Tel professeur de danse, tel adulte ami de la famille. La possibilité de sublimer une éventuelle attirance dans une relation riche d’échange et de créativité est un destin heureux d’Éros. Le destin malheureux, ce sont toutes ces situations d’emprise telles que décrites par Judith Godrèche où des prédateurs, sous prétexte de faire d’une jeune femme leur muse, l’enferment dans une illusion narcissique où la violence physique comme l’enfermement sont souvent inutiles.
« La méconnaissance de l’emprise conduit à l’isolement des victimes, suspectées de vouloir tirer profit d’une posture victimaire »
La méconnaissance de l’emprise conduit à l’isolement des victimes, suspectées de changer d’avis, de vouloir tirer profit d’une posture victimaire, ce qui les enferme dans le traumatisme dont elles essaient de sortir en psychothérapie, mais qui nécessite que le regard social n’inverse pas les places du coupable et de la victime. Reconnaître avoir été victime prend du temps et n’est pas une posture victimaire, mais au contraire de responsabilité en vue de prévenir d’autres potentielles victimes.
Tous ceux qui ont connu l’emprise savent ce qu’est la fabrique du consentement et sur quelles carences affectives elle s’appuie pour faire croire à la victime qu’elle a de la chance d’être l’objet d’attention de son bourreau. La toute-puissance de l’emprise rend la violence physique souvent inutile. La reddition de la victime est totale puisque ses limites psychiques effractées la placent dans une fusion mortifère avec l’abuseur. Quand on dit d’une adolescente de 15 ans, « elle avait la clé, ce n’est pas cela séquestrer quelqu’un », on voit bien comment l’abuseur manipule et s’innocente auprès des témoins. Un enfant maltraité va et vient à l’école, il n’en reste pas moins manipulé et abusé. L’emprise va bien au-delà de la coercition physique.
Le principe même de l’emprise, c’est qu’il n’y a pas besoin d’enfermer la personne ni même de la frapper. Elle devient le meilleur avocat de la relation qui la détruit. C’est à l’adulte de tempérer et sublimer cette attirance, et d’en favoriser la transformation en curiosité et en plaisir de fonctionner, créer, imaginer, penser. Le rapport maître-disciple est un rapport d’un érotisme de l’âme profond, rappelle M. Corcos citant G. Steiner, et il revient au maître de prendre garde à la confusion des langues et des sentiments. Cela vaut pour la relation qui s’exerce à l’école, dans le sport, dans la danse, dans le cinéma, dans la famille.
La libido ne meurt pas dans la chasteté. Elle est sublimée et préserve l’intégrité du désir moteur pour l’adolescent au lieu de le condamner à nourrir celui qui lui déroberait cette vie qui ne fait que commencer. Judith Godrèche a eu le courage de ne pas s’en tenir au cabinet de psychothérapeute et de dire ce que personne ne veut comprendre aujourd’hui. Que jamais l’emprise ne pourra être dédouanée par l’amour. Plus un enfant aura été négligé, maltraité, humilié ou abusé, soumis au lieu d’être éduqué, plus ses carences et ses traumatismes « en négatif » le rendront vulnérable aux « dérapages » que le déni et la honte l’empêcheront longtemps d’identifier, condition pourtant non négociable pour retrouver sa place et son identité propre et sociale.
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