Récits des plaignants, de témoins, de sa mère et d’experts. Autant d’éléments qui, ce 23 mai, enrichissent le profil de l’ancien prêtre Olivier de Scitivaux, accusé de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans.
« Il avait beaucoup d’amis« , « il parlait bien« , « toujours les mots que vous vouliez entendre« , « un homme d’église, franc, honnête« … Tous ces qualificatifs, plus mélioratifs les uns que les autres, ont été prononcés ces derniers jours pour qualifier Olivier de Scitivaux.
Du moins, ces qualificatifs s’appliquaient à une époque. Ce jeudi 23 mai est le troisième jour de son procès aux assises du Loiret, où il est accusé de viols et d’agressions sexuels sur mineurs de moins de 15 ans. Les parties civiles et leurs familles ont, ces derniers jours, évoqué le côté affable, social, de l’ancien religieux. Une façade derrière laquelle il aurait camouflé le pire.
L’enquête de personnalité et l’expertise psychiatrique de l’accusé, dévoilées ce mercredi, sont venues renforcer ce portrait. « C’est quelqu’un d’à l’aise, d’extraverti, de social« , affirme le psychiatre Roland Coutanceau, contacté par la cour en visioconférence, son visage apparaissant en gros sur les cinq écrans géants disposés dans la salle d’audience.
Une sociabilité qu’il aurait mise au service de l’autre. « Il a besoin d’aider les gens, ça lui fait du bien« , estime sa mère. 86 ans, toute de noire vêtue en dehors d’un col blanc, marchant d’un pas hésitant vers la barre, elle décline pourtant l’offre de chaise faite par le président. Pendant près d’une heure, elle répond calmement aux questions. Et décrit un fils « très facile à vivre » dès l’enfance, dont elle est toujours restée « très proche« .
Même quand il décide d’entrer au séminaire, et de faire vœu de chasteté. « On était un peu catastrophés, on espérait qu’il fonde une famille, mais on a vite accepté.«
Une autre experte, chargée de dévoiler une enquête de personnalité sur l’accusé, raconte une enfance avec « des parents stricts, mais dont il n’a pas souffert« . Lorsqu’elle le rencontre en prison, en 2018, il nie avoir lui-même été victime dans son enfance. Après des études d’économie, il choisit la prêtrise, s’estimant en décalage avec la société. « Pour réussir, il faut écraser les autres« , disait-il alors.
Roland Coutanceau, qui s’est entretenu avec lui au tout début de l’instruction en 2018, décrit aussi un homme « raisonné« , qui « fait primer le cérébral sur l’émotionnel« . « Il a toujours eu des difficultés à exprimer ses sentiments« , confirme sa mère.
Il semble aussi être un homme « intelligent, au-dessus de la moyenne« . Plusieurs témoins confirment aimer les discussions avec Olivier de Scitivaux pour son érudition. « Je suis passionné d’histoire, c’était un de nos sujets de discussion« , raconte un témoin, qui fut animateur dans les années 90 au camp de vacances dirigé par l’ancien prêtre.
Le psychiatre raconte aussi un accusé « minimaliste » face aux faits qui lui sont reprochés, « ne niant pas mais ne confirmant pas non plus« . Mais il reconnaît « un sentiment de honte« .
Roland Coutanceau émet par ailleurs « une hypothèse » quant au passage à l’acte désigné de l’accusé. Olivier de Scitivaux évoque ainsi son homosexualité « non assumée« . Appelé à la barre le temps de 20 secondes, il dit avoir eu sa première relation homosexuelle consentie avec un adulte à l’âge de 40 ans. Le psychiatre en profite pour tirer un lien de causalité directe entre homosexualité refoulée et pédocriminalité.
Un lien fréquent dans les analyses psychiatriques, mais que l’historien des religions Guillaume Cuchet qualifiait, dans La Croix en 2021, d' »assimilation infamante« . « S’il s’agissait avant tout d’une question d’orientation sexuelle, ces hommes chercheraient des partenaires adultes, et ils en trouveraient ! Or au contraire, les pédophiles sont incapables de rentrer dans une relation de type homosexuelle, c’est-à-dire dans une relation mature avec un autre homme« , considérait de son côté le père Stéphane Joulain, thérapeute familial auprès des victimes d’abus sexuels, dans un article de l’hebdo catholique La Vie, en 2010.
Sur le banc des parties civiles, l’analyse de Roland Coutanceau est accueillie avec une certaine consternation. Qui se reflète dans les questions posées par leurs avocats, qui bousculent le psychiatre pendant plusieurs dizaines de minutes. S’achevant par une question posée par Me Amélie Bulté : « Donc on ne sait pas pourquoi un adulte est attiré par un enfant ? » « Non, c’est vrai, on ne sait pas.«
L’accusé a cependant eu le temps, pendant ses 20 secondes à la barre, d’affirmer que sa première relation sexuelle fut avec un autre prêtre, et « non consentie« . Contrairement à ses premières affirmations, en 2018. Quelques minutes plus tôt, sa mère s’était souvenu d’avoir trouvé « curieux » l’insistance d’un curé lorsqu’Olivier de Scitivaux était adolescent. « Je lui ai demandé d’arrêter de l’appeler, de le laisser travailler ses examens.«
L’analyse psychiatrique permet de reconnaître la responsabilité pénale de l’accusé. Roland Coutanceau ne décèle « pas de troubles mentaux, pas d’antécédents dépressifs« , et estime qu’Olivier de Scitivaux « était lucide et conscient au moment des faits« .
Des faits « reconnus partiellement pour certains, pas du tout pour d’autres » tout au long de l’instruction par l’accusé, résume le président, Sébastien Evesque. Roland Coutanceau voit deux facteurs à cette hésitation. « Une difficulté psychologique à admettre certains faits« , explique-t-il. Mais aussi un aspect stratégique : « La loi française sanctionne plus le viol que l’agression sexuelle. Tactiquement, on voit très souvent des gens qui vont reconnaître les attouchements, mais pas les pénétrations. » Le psychiatre ne donne, ici, pas d’avis précis, mais estime qu’Olivier de Scitivaux, est un « homme intelligent« , capable « de modifier son discours en prenant connaissance des éléments à son encontre« .
Pas de conclusion non plus sur la sincérité de certaines allégations, à l’époque, de l’accusé. En 2018, il assure alors que l’une des parties civiles l’aurait « séduit« , le prêtre affirmant avoir ressenti des sentiments amoureux. La victime avait alors une dizaine d’années.
Un grand nombre d’auteurs attribuent des idées et des fantasmes aux victimes, qui ne sont pas vraies du tout. Cette interprétation ne diminue pas leur responsabilité, parce qu’ils savent que ce qu’ils font est interdit. Et ils ne sont pas totalement dupes d’eux-mêmes. Certains le pensent, et d’autres le disent en pensant que ça les rend moins responsables.
Roland Coutanceau, psychiatre
Et s’il semble avoir refoulé son orientation sexuelle, Olivier de Scitivaux aurait nourri « une ambiance sexualisée » dans le camp de vacances qu’il dirigeait, selon un témoin. Via des « blagues potaches » notamment, et des discussions de sexualité libres avec certains animateurs, dont certains étaient mineurs. L’un, alors âgé d’environ 16 ans, raconte que le curé venait le réveiller nu, et qu’il l’a un jour emmené sur une plage naturiste, insistant pour qu’il se dénude.
Autant de données qui ont permis d' »éclairer » les faits pour lesquels Olivier de Scitivaux est poursuivi. Son passage à la barre, pour répondre des accusations, est attendu ce vendredi 24 mai.
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