Quand l’abstinence sexuelle séduit les jeunes

Une nouvelle tendance se dessine sur TikTok. Des jeunes gens publient des vidéos pour évoquer un choix de vie radical: l’abstinence sexuelle (voir les posts ci-dessous). Titillé par cette actualité, le site de rencontres Bumble s’est emparé du phénomène pour réaliser une campagne publicitaire qui, il y a quelques jours, s’est retrouvée sous le feu de critiques à cause du message, «You know full well a vow of celibacy is not the answer» («Tu sais parfaitement qu’un vœu de chasteté n’est pas la solution»).

L’actrice Julia Fox, ex-copine de Kanye West, a commenté l’affaire sur les réseaux sociaux: «Deux ans et demi d’abstinence et, franchement, je ne me suis jamais sentie aussi bien», écrit-elle. Depuis, Bumble a retiré sa pub et présenté ses excuses.

«La campagne de Bumble a suscité autant de réactions parce qu’elle donne l’impression de dicter aux gens la manière dont ils doivent gérer leur sexualité. Alors qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de la vivre», estime Sarah Klapisch, thérapeute zurichoise spécialiste des questions sexuelles.

Les raisons invoquées par les jeunes sur TikTok ne sont pas forcément liées à la religion. En Suisse comme aux États-Unis, ces personnes veulent, avant tout, se concentrer sur elles-mêmes. C’est le cas d’Annie*, âgée de 33 ans, qui a choisi de renoncer au sexe pendant un an: «J’ai remarqué qu’auparavant, ma relation à mes partenaires tournait beaucoup autour du sexe. Je veux apprendre à mieux me connaître et pouvoir ainsi offrir à un nouveau ou à une nouvelle partenaire ce que j’attends d’une relation», précise-t-elle. «Je constate des changements au niveau de mes relations sociales. Je ne perçois plus les concerts ou les sorties du même œil, car je n’y vais plus dans l’optique de trouver quelqu’un, ce qui me permet de profiter davantage de l’instant présent», poursuit-elle.

Des hommes font aussi le choix de l’abstinence. «En fait, je n’ai jamais eu l’intention de renoncer au sexe, mais à force de me faire rembarrer par les femmes, j’ai fini par en prendre mon parti. Je ne me suis jamais aussi bien porté. Ceci dit, je n’ai pas arrêté de me masturber», souligne Julien*, âgé de 29 ans.

«J’ai eu mon dernier rapport sexuel, il y a 12 ans», raconte Jonathan*, âgé de 35 ans. La raison principale est, sans doute, qu’à un moment donné, je n’ai plus fait confiance aux femmes et je n’ai plus cru au grand amour. Mes deux ruptures amoureuses ont été si douloureuses que j’ai préféré renoncer», dit-il.

On le voit dans ces trois témoignages recueillis en Suisse, la déception est à l’origine du renoncement temporaire ou définitif eaux rapports sexuels. Sarah Klapisch cite d’autres cas de figure. «Au cours du processus de guérison qui suit des actes de violence sexuelle, il arrive souvent que l’on envisage une pause. Il est tout aussi fréquent que s’ensuive une phase d’hypersexualité, avec des rapports sexuels très nombreux induisant un comportement à risque.»

Selon la spécialiste, une thérapie peut mettre fin à l’addiction ou à un comportement compulsif. Souvent, c’est aussi l’instant choisi pour devenir temporairement abstinent. «Dans ces moments-là, on est vulnérable et on est susceptible de vouloir combler le vide ainsi créé par des relations intimes, ce qui peut très vite engendrer une dépendance». Le fait de mettre un terme aux relations sexuelles n’a aucune incidence physiologique. «Le plaisir que l’on retire d’un orgasme, par exemple, est le même avec la masturbation», assure Sarah Klapisch.

*Témoignages recueillis par «20 minutes» en Suisse, sous couvert d’anonymat