Adriana Karembeu : les confidences d’une femme libre et amoureuse

Bien plus qu’une épaule, c’est son histoire qu’elle dévoile. Dans une autobiographie, l’animatrice de France 2 raconte avoir grandi aux côtés d’un père violent et méprisant. Au point d’avoir longtemps gardé la peur de ne jamais être à la hauteur… malgré son 1,85 mètre et sa beauté fulgurante. Un ­traumatisme qui expliquerait son besoin de se ­réfugier auprès d’hommes ­protecteurs et ­bienveillants. La naissance de Nina, son « miracle », a tout changé. Fini la fragilité. Grâce à sa fille de 6 ans, elle a enfin trouvé sa place. Et la force de mener seule son ­existence. Même si cette grande romantique avoue avoir un nouvel homme dans sa vie…

Paris Match. Vous racontez pour la première fois votre “enfance abîmée” par un père ingénieur qui avait la main leste et avec lequel vous avez fini par rompre tout contact. Que vous a-t-il fait ?
Adriana Karembeu.
Il lui arrivait de me frapper, mais surtout il m’humiliait constamment. Du matin au soir, mon père n’arrêtait pas de dire que je n’étais bonne à rien, que j’allais finir ma vie en nettoyant des égouts. Quand l’un de tes parents, les seules personnes au monde censées t’aimer inconditionnellement, te raconte ça alors que tu es un enfant, tu le crois. Petite, avant de m’endormir, il m’est arrivé de me dire qu’il valait mieux que je meure. Je me sentais non désirée, j’étais juste un problème pour lui, je pensais que ma vie ne ressemblerait à rien puisqu’il me promettait qu’elle serait triste et misérable. Je n’avais pas vraiment d’envies suicidaires, mais je me disais que si je disparaissais tout le monde serait content. Ce livre n’est pas le récit d’un enfant martyr même si je l’ai été, il démontre au contraire qu’on peut se reconstruire. Mon père a abîmé mon enfance, ma personne, mais aujourd’hui je ne pense plus à lui. Je garde la cicatrice, mais elle ne saigne plus.

Comment se sort-on d’une telle enfance ?
C’est un très long processus. J’en suis sortie maladivement timide et pleine de doutes. Tout est une épreuve à laquelle je m’efforce de m’adapter. Dans les défilés, je me sens comme un poisson dans l’eau, mais avant une émission de télévision ou un tournage, j’ai envie de m’évanouir, c’est vraiment éprouvant. Je crains de décevoir. Je ne veux pas paraître nulle, l’enfant qui demeure en moi n’en finit pas de se battre pour prouver les capacités qu’on lui a injustement déniées.

Où en êtes-vous à présent ?
La naissance de ma fille a tout changé, en faisant d’abord remonter toutes ces blessures. J’ai mesuré à quel point il est incompréhensible qu’un parent puisse faire du mal à son propre enfant. Les deux premières années, toutes les nuits, je faisais le même cauchemar. Je rêvais que je tuais mon père de mes propres mains. Pour la première fois, j’éprouvais de la haine envers lui. Avant, c’était de la souffrance. Ma fille a balayé toutes mes peurs. La seule que j’éprouve aujourd’hui est pour elle, comme chaque maman sur Terre. Auprès de Nina, je me sens comme une lionne. Quand je me suis séparée de son père, il y a eu un flottement, je me demandais comment ­j’allais faire toute seule. Mais je m’en sors très bien, et cela aussi me redonne une confiance immense.

De passage à Paris, à l’hôtel Kimpton St Honoré, le 26 avril. Celle qui a coanimé l’émission « Les pouvoirs extraordinaires du corps humain » vit entre Monaco et Marrakech, où réside sa fille.

De passage à Paris, à l’hôtel Kimpton St Honoré, le 26 avril. Celle qui a coanimé l’émission « Les pouvoirs extraordinaires du corps humain » vit entre Monaco et Marrakech, où réside sa fille. © MICHELE BLOCH-STUCKENS

« J’avais peur d’être un mauvais parent, comme mon père »

Vous aviez 46 ans quand Nina est née, vous avez hésité à devenir mère ?
J’avais peur d’être un mauvais parent, comme mon père l’a été avec moi. Et peut-être que cela a retardé ma décision. Et puis, j’étais tellement bien dans mes relations amoureuses que je n’arrivais pas à m’imaginer pouvoir aimer un être humain sans le connaître. Bizarrement, c’est quelque chose que j’avais du mal à comprendre.

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Auriez-vous pu avoir un enfant avec Christian Karembeu ?
J’aurais pu, oui, mais ce n’est pas venu, je n’étais pas prête, je réfléchissais trop. C’est Aram [Ohanian, son ex-mari] qui a réussi à me convaincre d’arrêter de ruminer et de devenir mère. Et c’est comme ça que je me suis retrouvée dans le cabinet d’un gynécologue, devant un poster qui expliquait qu’à partir de 40 ans les femmes ont seulement 6 % de chances de tomber enceintes de manière naturelle. Cette information m’a détruite, car je n’avais pas réalisé que l’horloge biologique tournait si vite. Et je me suis lancée dans une véritable guerre pour avoir un enfant. Parfois je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt.

Avec son mari Aram Ohanian, dont elle est aujourd’hui séparée, et leur fille Nina, alors 1 an, à Saint-Briac-Sur-Mer en Bretagne, le 19 août 2019

Avec son mari Aram Ohanian, dont elle est aujourd’hui séparée, et leur fille Nina, alors 1 an, à Saint-Briac-Sur-Mer en Bretagne, le 19 août 2019 © Catherine TABOUIS/PARISMATCH/SCOOP

Je cherchais des hommes alpha jusqu’à ce que je devienne la femme alpha

Adriana Karembeu

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec Christian Karembeu ?
Depuis le jour où l’on s’est quittés, on ne s’est jamais reparlé ni revus.

Pourquoi avez-vous gardé son nom ?
Angela Merkel porte encore le nom de son premier mari, pourtant elle a divorcé. Celui de Christian fait partie de mon identité. Je me suis construite avec ce nom sous lequel tout le monde me connaît. C’est en quelque sorte mon nom de scène, comme une artiste. Et la loi m’autorise à le conserver.

Vous semblez avoir été longtemps abonnée au même profil d’hommes : forts, prenant les choses en main. Est-ce toujours le cas ?
Même si cela n’arrive jamais que mon mec décide d’un truc sans que je sois au courant, c’est vrai que j’ai toujours cherché quelqu’un de plus fort, quelqu’un sur qui compter, comme un pilier à mes côtés. Je cherchais des hommes alpha jusqu’à ce que je devienne la femme alpha ! Au début, ça m’a fait flipper, mais tenir soi-même les rênes est magique.

Les hommes sont devenus moins importants pour vous ?
Non, ils restent très importants. L’amour est essentiel pour moi. J’aime aimer, partager ce que je vois, ce que je ressens, et cela n’est possible qu’avec un amoureux à mes côtés. J’ai eu peu d’hommes dans ma vie, mais j’ai été “casée” tout le temps. J’aime être en couple. Et puis, comme je voyage en permanence à travers le monde, mes relations sentimentales ne sont pas étouffantes. Je n’ai jamais connu la routine.

Je ne regretterai jamais d’être venue en France…

Adriana Karembeu

Vous êtes née en 1971 à Brezno, en ­Tchécoslovaquie, derrière le rideau de fer… Que vous reste-t-il de ce passé ?
Sans avoir vécu dans la pauvreté, il ­fallait se débrouiller avec peu de choses. Il me reste de cette époque un énorme respect pour l’argent, parce que je sais que la chose la plus dure dans la vie est de le gagner pour parvenir à son indépendance. Quand j’avais 10 ans, mon père m’a dit : “Sois heureuse que je ne te demande pas de payer un loyer à la maison.” Je n’ai eu de cesse depuis de vouloir assurer mon propre toit. Je ne suis pas le genre de femme qui rêve de posséder quatre yachts et cinquante maisons. Je n’éprouve pas non plus de plaisir à me perdre en ­shopping. J’achète ce dont j’ai besoin, sans me priver, et surtout j’investis en pensant à l’avenir de ma fille.

Sur le toit-terrasse du Kimpton St Honoré. Adriana aime la vie d’hôtel : à Marrakech, elle habite au Palais Ronsard Relais & Châteaux, qu’elle a ouvert avec Aram Ohanian en 2019.

Sur le toit-terrasse du Kimpton St Honoré. Adriana aime la vie d’hôtel : à Marrakech, elle habite au Palais Ronsard Relais & Châteaux, qu’elle a ouvert avec Aram Ohanian en 2019. © MICHELE BLOCH-STUCKENS

Pour suivre la voie de votre mère, vous avez fait trois ans de médecine, puis vous avez quitté la Tchécoslovaquie… Avez-vous regretté de ne pas être allée au bout de ce rêve ?
Non. J’ai eu une chance tellement hallucinante d’avoir été repérée et recrutée par une agence de mannequins ! Je ne regretterai jamais de l’avoir saisie, d’être venue en France… Je suis fière de ce que j’ai accompli.

Vous vous êtes longtemps sentie invisible, écrivez-vous, cela vous arrive-t-il encore ?
Pas depuis que je suis tombée amoureuse de mon premier petit copain, à 15 ans, et que mon père m’a laissée tranquille. Ça m’a libérée de cette envie de disparaître. Quand j’ai débarqué à Paris ensuite, habillée comme une plouc au milieu de Françaises si élégantes, j’ai eu à nouveau un grand moment de frayeur. Je me suis demandé si je saurais être à la hauteur, et puis je me suis fait une place, naturellement. Je n’ai jamais douté de mon physique, mais plutôt de ma capacité à faire bien les choses, à exister.

Féministe sans être militante

​Vous dites dans le livre ne pas être une militante féministe. Pourquoi ?
Dans ma vie, j’ai eu tant d’épreuves à surmonter, de combats à mener pour assurer mon existence, trouver ma place, que je ne me suis pas attardée sur mes droits de femme. Aram, le père de ma fille, me disait souvent que j’agissais comme un mec. Ce à quoi je lui répondais systématiquement : “Pourquoi devrait-il y avoir une différence de comportement entre les hommes et les femmes ? Ça doit être pareil.” Je voulais mes propres droits, les mêmes que ceux des hommes. Et si vous regardez mon parcours, c’est celui d’une féministe de A à Z.

Vous dénoncez un réalisateur sans donner son nom qui, un jour, se jette sur vous alors que vous êtes chez lui et qu’il vient de vous proposer le rôle dont vous rêviez. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai une telle carapace que cela ne m’a pas déstabilisée sur le moment. Je me suis levée, je suis partie et aussitôt je suis passée à autre chose. C’était il y a vingt ans, et je n’ai pas accordé d’importance à cet événement jusqu’à ce que #MeToo éclose. Mais, récemment, j’en ai parlé à mon agent de l’époque ; elle m’a répondu que je n’étais pas la seule avec laquelle il avait eu ce ­comportement. C’est ce qui est si choquant.

Vous dites aussi dans ce livre que les plus redoutables ne sont pas seulement les prédateurs, mais certaines femmes du milieu de la mode. Des stylistes, des rédactrices en chef, des directrices de casting que vous décrivez “sans pitié”. Avez-vous souffert de leurs critiques ?
Quand tu traverses Paris sur des talons, que tu passes quinze castings par jour, et que tu te retrouves face à une femme souvent plus âgée que toi qui fume, dévore un sandwich, rigole au téléphone, sans même te regarder ni jeter un œil à tes photos avant de te dire, sans un merci, “au revoir, au suivant”, c’est difficile. D’autant que ton destin est entre leurs mains et que cela arrive fréquemment. Ce manque de respect et de considération peut être très fragilisant pour des filles d’à peine 20 ans. C’est un abus de pouvoir odieux, un manque d’intelligence.

Un nouvel amour

Vous évoquez votre rupture avec Aram Ohanian, le père de Nina. Est-ce votre relation fusionnelle avec votre fille qui a eu raison de votre couple ?
À sa naissance, Nina a en effet capté toute mon ­attention. C’est prouvé : l’arrivée d’un enfant est la cause principale de toutes les ruptures, avant ­l’infidélité et les problèmes d’argent. Ça bouscule tout. Il faut aussi comprendre que l’amour, le couple s’usent. Mais une ­rupture n’est pas toujours un échec ou une ­catastrophe. Avec Aram, nous avons passé douze ans ensemble. Nous avons vécu une magnifique histoire d’amour, nous avons construit un hôtel à Marrakech qui est une réussite et avons une fille merveilleuse, c’est beau. Aujourd’hui, nous nous ­entendons très bien.

Où vit votre fille ?
Plus jeune, nous l’avions scolarisée à Monaco et à ­Marrakech. Maintenant qu’elle a grandi, elle est inscrite à l’école à Marrakech. C’est le paradis pour un enfant. L’été, nous le passons à Monaco où nous ne sommes que toutes les deux. C’est ­tellement chouette.

Vous qui paraissez avoir 20 ans, comment envisagez-vous les cinquante prochaines années ?
Je ne vis plus dans un pays communiste, donc je ne fais pas de planification économique sur cinq ou dix ans. Ce serait d’autant plus difficile que j’exerce un métier fabuleux mais qui dépend en grande partie, en plus du travail, du désir des autres, des opportunités, de la chance. Récemment, j’ai joué dans une fiction qui sortira en août sur M6, j’aimerais bien retrouver un rôle consistant. Je me sens plus à l’aise que jamais devant une caméra.

Vous évoquez sans citer quiconque un coup de foudre récent… Êtes-vous une femme “libre” comme le clame le titre de votre livre ? Qui est cet homme ?
Je suis libre… Et même si je suis en couple, je vais veiller à le rester jusqu’à la fin de ma vie. Après ma séparation d’avec Aram, je pensais qu’à 50 ans, devenue maman, ma vie de femme était terminée. Et puis j’ai rencontré cet homme-là, et peu importe son nom, il m’a fait réaliser que tout ne faisait que commencer. Et que ça peut être encore mieux qu’avant…

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Par Joseph GARCIA

Responsable édition

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