Il a une signature vocale reconnaissable entre mille. Il est intarissable sur les faits divers qu’il a commenté et enquêté pendant quarante-cinq ans pour le journal Le nouveau Détective. Michel Mary, chroniqueur judiciaire et journaliste d’investigation, est devenu avec le temps, une figure du fait divers. Connu surtout pour avoir ses entrées et ses amitiés avec des policiers, des avocats et même des voyous.
« Un journaliste droit, qui ne sabote pas une enquête quitte à rater un scoop, à ne pas sortir l’affaire, avec le respect de la parole donnée, et c’est pour ça qu’il dure », explique Christian Flaesch, « grand flic » et ancien directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris. « Il a pu apprendre des choses sur des affaires où je lui ai dit que ce n’était pas utile de les écrire, pour des enjeux de l’enquête, ou de respect pour la victime, ce qu’il a fait. ».
A présent à la retraite, l’ex-commissaire a bien connu « Michel » alors qu’il était à la PJ de Seine-Saint-Denis, fin des années 1980. Il conserve depuis avec lui des liens d’amitié. « Je sais qu’il va faire le boulot honnêtement, avec une vraie compréhension du travail du policier, qu’il comprend et respecte. C’est un mec que j’apprécie, même si je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’il fait, mais en tout cas, on a des échanges suffisamment libres pour que je le lui dise. »
Il « se destinait à être flic »
Pour les plus anciens, Michel Mary a, entre autres, couvert le procès du dernier condamné à mort français, Philippe Maurice. Un condamné qui fût gracié in extremis, juste avant l’abolition de la peine de mort en 1981. Il s’amuse aujourd’hui d’être l’un des rares journalistes encore en exercice à pouvoir dire qu’il a entendu ce jour-là : « La cour vous condamne à la peine capitale, à avoir votre tête tranchée dans un délai de tant de jours ». De quoi marquer à vie le journaliste, alors âgé de 23 ans, mais aussi de confirmer « sa passion » pour ce métier.
Pour les plus jeunes, Michel Mary est aujourd’hui le chroniqueur à la voix grave et posée, celui qui explique et recadre les dernières affaires judiciaires, comme celle sur la disparition de Lina, à la télévision dans « Touche pas à mon poste ! » avec Cyril Hanouna sur C8, ou bien encore lorsqu’il intervient dans « Enquêtes criminelles » sur W9.
Un métier où il « se sent libre et hors des contraintes hiérarchiques » et qui, explique-t-il, « lui est pourtant tombé dessus complètement par hasard ». Alors qu’il était en deuxième année de droit à Paris en 1978 et qu’il « se destinait à être flic », un stage d’été à la rubrique faits divers du journal Détective a changé sa vie. Intéressé, intéressant, il est engagé dans la foulée et décide alors de profiter pendant une année de ce qu’il qualifie de « travail sabbatique », le temps de voir « ce qu’il ferait de sa vie ».
Clope au bec
Sa vie, il la passera finalement souvent dans les commissariats et les cours d’assises à glaner ou recouper des infos, notamment au 36, quai des Orfèvres à Paris où il entrait « à l’époque » comme dans un moulin pour échanger avec les chefs de la PJ de Paris. Une méthode de travail et de terrain, aux quatre coins du pays, pour mener des investigations, favorisées par cette « grande époque de la presse qui n’a plus rien à voir avec celle que l’on connaît aujourd’hui », souligne Michel Mary. Les « moyens étaient colossaux » pour travailler. « Il fallait évidemment que les résultats soient à la hauteur des moyens engagés. Mais on pouvait, si on avait un problème de temps, prendre un avion privé pour filer en Corse sur une enquête alors que je n’étais même pas sûr de trouver la personne que je cherchais. On travaillait dans des conditions matérielles confortables ».
Les années passant, le journaliste réseaute, copine avec tous les grands avocats et policiers de France, connaît les voyous. Comme un poisson dans l’eau, sa méthode de travail à l’ancienne, sur le terrain, avec le « recoupement des infos à la source », lui vaut d’être reconnu chez ses confrères faits-diversiers qui s’amusent encore d’anecdotes sur son aise à choper des infos clope au bec. Si les temps ont changé, il conserve ses méthodes de travail, ses amitiés, ce qui le caractérise. « La fidélité, même avec mon employeur, le journal du Détective, avec qui je suis resté pendant quarante-cinq ans malgré des propositions de travail à droite ou à gauche », assure Michel Mary.
« Rigueur intellectuelle et même morale »
La fidélité, mais aussi « la loyauté et le professionnalisme », reconnaît l’avocat Thierry Moser, présent sur les affaires Grégory, Heaulme, Fourniret ou Bodein. Le conseil ne manque pas d’être dithyrambique à son égard. Il faut dire qu’une amitié s’est nouée entre les deux hommes. « C’est un type qui est carré. […] Ce n’est pas un faux cul, il est franc de collier, souligne Thierry Moser. Quand je lui disais quelque chose, pas tout bien sûr à cause du secret de l’instruction, mais qu’il fallait la boucler parce que c’était strictement confidentiel, il a toujours respecté notre marché. Je lui faisais toujours confiance. »
De la franchise, mais aussi le souci d’être « prudent dans les appréciations qu’il portait, l’exactitude des faits, et pas du tout voyou comme certains journalistes l’étaient à l’époque, notamment dans l’affaire Villemin », souligne maître Moser. « C’était une façon très décontractée de travailler avec ce journaliste de la presse judiciaire. Il a le souci d’être très rigoureux, le souci de l’objectivité, de ne pas balancer des informations non vérifiées. Une rigueur intellectuelle et même morale dans nos relations que j’ai appréciée. Parmi tous les gens que j’ai côtoyés, notamment dans le dossier Villemin, c’est un bon et beau souvenir », conclut l’avocat.
Ce métier passionnant, Michel Mary a dû apprendre à s’en protéger. Car passer sa vie dans les crimes et le sang n’est pas donné à tout le monde. « Cloisonner vie professionnelle et personnelle », prendre du recul, « entendre et respecter les victimes sans s’y attacher », sont des clés selon lui qui l’ont aidé à garder le cap.
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