Un jeudi par mois, les rames en première classe du Strasbourg-Paris de 14 h 49 réunissent les eurodéputés français, les influents et les marginaux, les cossards et les élèves modèles, les fédéralistes et les europhobes. Dans celui du 25 avril, après l’ultime session plénière du mandat, voyagent certains dont c’est, sans doute, le dernier 14 h 49.
A l’extrême droite, certains roupillent. Jean-Lin Lacapelle, lunettes de soleil sur le nez, écarté par Jordan Bardella, qui lui devait son premier salaire au parti pour la campagne de 2017. André Rougé, responsable de l’outre-mer et du cercle de réflexion officieux du Rassemblement national (« les Horaces »), fort caractère dont l’utilité était contestée en interne. Tous deux figurent parmi les deux tiers de 23 députés sortants, qui ne seront pas dans les 30 premiers de la liste que le parti doit révéler le 1er mai. A Strasbourg et à Bruxelles, ils auront pourtant appliqué la consigne à la lettre : ne pas trop en faire.
Depuis 2019, le Rassemblement national (RN) n’a pas dévié de la ligne suivie par le Front national de Jean-Marie Le Pen, puis de sa fille Marine. Il y a trois manières de considérer l’inaction lepéniste à Bruxelles et à Strasbourg. La première argue du « cordon sanitaire » imposé par le reste des groupes parlementaires et prive de responsabilités le groupe européen du RN (Identité et démocratie, ID). La deuxième : c’est un choix stratégique, consistant à refuser la participation à la mécanique décrite comme « européiste » et à ne pas être associé aux décisions de Bruxelles. La troisième est susurrée par certains collaborateurs du parti : un mélange de « flemme » et de « nullité ». La vérité est au croisement des trois, analysent les sources interrogées par Le Monde, fonctionnaires du Parlement européen, cadres des groupes majoritaires et membres passés et présents de la délégation RN.
« On a une fonction tribunicienne »
« Vous plaisantez ! ? » Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen et député européen en passe d’être reconduit, n’adhère pas à la thèse de l’inaction volontaire. « Nous sommes interdits de tout, on n’a pas droit à un rapport, à une commission, et les rares fois où l’on nous fait participer, on nous dit que l’on nous tolère. On ne peut pas organiser tout le système pour qu’on ne participe pas et ensuite nous le reprocher », plaide le beau-frère de Marine Le Pen, qui se considère comme « dissident ». Avant de reconnaître une part de stratégie. « Nous, on fait de la politique, on ne rentre pas dans leur jeu. Ces mecs qui font les importants, ce ne sont que des ombres. Quoi qu’ils fassent, c’est la Commission qui décide. »
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