Caresses sur les seins, baisers forcés… Ce que révèle le rapport sur l’abbé Pierre

Caresses sur les seins, baisers forcés… Ce que révèle le rapport sur l’abbé Pierre
Caresses sur les seins, baisers forcés… Ce que révèle le rapport sur l’abbé Pierre

Il était certainement la plus grande figure de la solidarité en France. Ce mercredi, un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation abbé Pierre publie plusieurs témoignages accusant l’abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, d’agressions sexuelles commises entre la fin des années 1970 et 2005.

D’où vient ce rapport ?

A l’été 2023, une femme prend contact avec les cadres d’Emmaüs. L’abbé Pierre est décédé depuis 2007, mais la plaignante veut témoigner de gestes graves imposés par l’homme à la fin des années 1970 alors qu’elle était encore mineure au moment des faits.

D’après le média La Croix, il faudra attendre trois mois pour que des membres d’Emmaüs rencontrent la femme et qu’une enquête soit confiée par la suite au cabinet Egaé dont la présidente, Caroline De Haas, a fait des violences sexistes et sexuelles son cheval de bataille.

Le rapport, publié ce mercredi, contient huit pages. Parmi elles, on retrouve des témoignages de sept victimes présumées. Toutes sont anonymisées et commencent dans les années 1970 et jusqu’en 2005. La grande majorité, six femmes, parle d’agressions sexuelles. La dernière fait référence à des propos sexistes.

Que disent les témoignages ?

La première témoin était âgée de 16 ans au moment des faits. C’est la fille d’un couple d’amis de l’abbé Pierre. Chez ses parents, où il est « régulièrement invité », le prêtre lui touche plusieurs fois la poitrine. Les gestes vont plus loin à partir de 1982 lorsqu’elle devient majeure. « Au moment de lui dire au revoir, il a introduit sa langue dans (sa) bouche d’une façon brutale et totalement inattendue », précise le rapport. Quelques années plus tard, il lui proposera de s’allonger sur son lit. En 2003, l’abbé Pierre tentera de s’excuser devant son père.

Retrouve-t-on un mode opératoire ?

Il semblerait bien que oui. Le rapport montre que l’abbé Pierre profitait des instants où personne ne pouvait le surprendre. Une « chambre d’hôtel », « un bureau », ou au « bas d’un escalier » caché.

Les témoignages convergent et font état de faits similaires : le prêtre touchait régulièrement leurs poitrines. Une seconde femme raconte qu’une fois l’abbé Pierre s’est mis à lui « tripoter le sein gauche ». Les faits ici ont eu lieu entre 1977 et 1980. Ce n’est que douze ans plus tard qu’elle le recroise. « Je me suis avancée vers lui pour lui serrer la main, relate-t-elle. Il a essayé de m’attirer vers la fenêtre. Je lui ai dit « Père, non ». Il m’a dit « j’en ai besoin ». J’ai dit « non », il est parti ». Trois autres témoins racontent des contacts non consentis sur la poitrine dès 1995 et pendant dix ans.

Certains étaient suivis de prises de contacts récurrentes. « Il a continué de m’écrire, par courrier, à me téléphoner. Il disait qu’il voulait me rejoindre. (…) Après un mois ou deux, ça s’est arrêté », raconte l’une d’entre elles.

Pourquoi la parole se libère-t-elle aujourd’hui ?

Il y a de fortes raisons de croire que la parole des victimes n’aurait pas été entendue à l’époque où l’abbé Pierre était désigné – dix-sept fois – personnalité préférée des Français. Toutes les témoins étaient conscientes de cette notoriété. « Les femmes avaient conscience de l’impact de leur témoignage sur la société. J’ai identifié dans presque tous les cas la difficulté à être crue lorsque la personne mise en cause est valorisée, voire adulée, pour son engagement », avance Caroline de Haas auprès de La Croix. Son cabinet Egaé s’est d’ailleurs dit ouvert à recueillir des nouveaux témoignages.

Les agissements de l’Abbé Pierre étaient-ils connus ?

L’abbé Pierre avait déjà avoué avoir fait entorse à son vœu de chasteté dans un livre entretien publié par le sociologue et philosophe Frédéric Lenoir. Si plusieurs récits de l’époque mentionnaient une personne idolâtrée par les femmes, ses comportements semblent en réalité connus autour de lui, notamment chez Emmaüs. « Une salariée de l’époque a indiqué que la consigne était donnée à ses collègues féminines de ne pas aller voir l’abbé Pierre seules », a raconté témoin dans le rapport. « On pensait qu’il s’était calmé », relate un second.

« Ces révélations bouleversent nos structures et ces agissements changent profondément le regard que nous portons sur un homme connu avant tout pour son combat contre la pauvreté, la misère et l’exclusion », soulignent Emmaüs et la Fondation abbé Pierre, saluant le « courage » des personnes qui ont témoigné.

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