C’est mon histoire : « J’ai perdu ma virginité à 27 ans

C'est mon histoire : « J'ai perdu ma virginité à 27 ans
C'est mon histoire : « J'ai perdu ma virginité à 27 ans

Ma gêne disparaît dans l’obscurité. Enfin, pas tout à fait. J’ai 27 ans et, sous la moiteur des draps, mes gestes sont aussi hésitants et maladroits que ceux d’un gamin de 17 ans, l’âge moyen du premier rapport sexuel en France. Elle est un peu plus jeune que moi mais je sens, je sais, qu’elle a de l’expérience. Dans sa chambre, chez ses parents, elle mène le jeu, en silence. Je me laisse faire, dans un état second, incapable de souffler un mot. C’est à peine si je lâche un râle. Je ne garde d’ailleurs de ce dépucelage tardif que des impressions floues. Rien de dingue en tout cas. Sinon peut-être un grand soulagement : « Ouf, j’en suis capable ! »

Une montagne de complexes 

À 27 ans, il était temps de « passer à la casserole » pour me rassurer sur mes capacités. Vais-je réussir à bander ? Ne vais-je pas être un éjaculateur précoce ? Je me trouvais toujours de bonnes excuses pour éviter de me confronter à une peur bleue de l’échec et à une montagne de complexes. Je suis petit, avec des grosses cuisses, un gros cul, une petite bite et, pour parachever le tableau, de l’acné.

Rien d’excitant au premier abord, ce qui n’empêche pas quelques filles de s’intéresser à moi. Il y a eu par exemple ma coloc à la fac, qui était même très amoureuse. On a dormi côte à côte dans le même lit, pendant trois ans, sans qu’il se passe rien. Je me coulais chaque soir dans un duvet individuel pour éviter tout geste inapproprié : une vraie ceinture de chasteté 100 % plume !

Briller aux yeux des copains

Ma première pelle, c’était avec Isabelle, au collège. Par praticité, j’avais jeté mon dévolu sur la copine de la copine de mon meilleur pote de l’époque, un gros lover qui avait une mob chromée, objet de convoitise dans les années 1980. Je suivais à vélo et j’appréhendais à fond l’épreuve du baiser. À raison. La fille était plus grande que moi et j’ai tourné la langue à toute vitesse comme les pales d’un hélicoptère.

La seule chose qui m’intéressait, c’était de briller aux yeux de mes copains

Pas un souvenir mémorable, ni pour moi, ni pour elle je pense. C’était quand même devenu un rituel entre nous. Du moins de mon côté. Je me rappelle la croiser certains matins et rester la bouche ouverte et la langue pendante comme celle d’un chiot, parce qu’elle avait préféré me faire un simple bisou : la honte. Mais l’essentiel était que les autres me voient l’embrasser. Comme un faire-valoir viril, sans que cela aille plus loin.

À l’école primaire, on m’avait déjà prêté une relation avec une certaine Hélène. C’était complètement faux mais je n’ai pas démenti. La seule chose qui m’intéressait, c’était de briller aux yeux de mes copains. J’ai toujours eu l’âme d’un chef de bande. Mes priorités : jouer au baby-foot après les cours, être le plus apprécié de la classe et conserver ce statut de leader. Après Isabelle, j’ai eu quelques prétendantes que j’ai embrassées pour la forme et le vernis social, mais, en vrai, les filles ne me faisaient ni chaud ni froid.

Je fantasmais sur les filles qui me snobaient

L’entrée au lycée n’a pas changé grand-chose à mes centres d’intérêt. Toute mon attention se portait sur mes potes. J’étais du genre frondeur, à enchaîner toutes les conneries possibles pour me faire remarquer. J’adorais explorer mes limites et tester des choses interdites à tous les niveaux, sauf sentimental ou sexuel. À la puberté, j’ai géré tant bien que mal mes premiers émois grâce à la masturbation. Les rêves érotiques étaient une vraie contrainte, synonymes de draps à changer.

Dans les boums, je redoutais les slows qui se finissaient toujours en érections intempestives. Ultra-gêné, j’évitais de trop me coller à la fille et je filais dès que possible rejoindre mes potes sur le canapé, noyer mes complexes dans l’alcool et la fumette. La fête et les conneries étaient à la fois une échappatoire et un exutoire. Un peu bourré, j’osais aborder des nanas. Mais ça n’allait pas plus loin qu’une série d’échanges un peu graveleux et des bisous bien baveux.

À force, j’ai commencé à me demander si je ne préférais pas les hommes

Mes copains, eux, multipliaient les conquêtes. Je roulais des mécaniques avec eux mais je n’en menais pas large face aux filles. J’étais hyper mal à l’aise avec celles qui me plaisaient et incapable de passer à l’acte par peur de gâter la relation ou de me prendre un râteau. Je fantasmais sur celles qui me snobaient et j’ignorais les autres. À force, j’ai commencé à me demander si je ne préférais pas les hommes, une orientation pas facile à assumer à l’époque, surtout à la campagne. Les mentalités étaient alors très binaires : si tu trouvais un mec beau, forcément tu étais homo. Après le bac, je suis allé voir une psy qui m’a permis de comprendre que j’étais plutôt hétéro tout en me donnant des clefs sur l’origine de mes blocages.

Le sexe, un tabou familial

J’ai grandi dans une famille catholique pratiquante. Sans être fermés ni puritains, mes parents sont super coincés. Je ne les ai jamais vus s’embrasser. Jamais on n’a parlé de sexe, c’était un sujet totalement tabou à la maison. Pour eux, le coït avait avant tout une finalité reproductrice : on couchait ensemble pour faire des enfants, basta. Pas de place pour le plaisir.

Sans y adhérer, ce discours ambiant a infusé en moi et j’ai reproduit les mécanismes familiaux. Idem pour mon frère, plus âgé d’un an, tout aussi prude que moi. Au collège, après les cours, une fille de la classe nous avait invités chez elle et on s’était retrouvés à mater un film de cul enregistré sur une cassette VHS. J’étais resté pétrifié sur le canapé, ne sachant plus où regarder ni comment me tenir. La gêne et la culpabilité solidement ancrées en moi. Une chose est sûre : je suis soulagé de ne pas avoir été exposé à la pornographie en ligne, type You-porn, à cet âge-là.

Mon premier rapport sexuel n’a pas été le point de départ d’une grande libération. Cette liaison a vite tourné court : je voulais rester libre. Et j’ai continué à porter ma pudeur et mon embarras comme une croix.

À force, je me suis même demandé si je ne préférais pas les hommes

Je n’en menais pas large face aux filles. À force, je me suis même demandé si je ne préférais pas les hommes. Jusqu’à 30 ans passés, j’ai sacrifié ma vie sentimentale sur l’autel de ma vie amicale, éternel célibataire parmi des potes de plus en plus nombreux à être en couple. Avec l’arrivée des enfants, la fête est retombée d’un cran. Sans grand enthousiasme, je me suis alors inscrit sur des applis de rencontres pour « rentrer dans le rang ». Surprise : je me suis rapidement pris au jeu de la séduction ! Mon objectif n’était pas de conclure à tout prix avec mes « dates » d’un soir. Le rapport sexuel venait plutôt comme une cerise sur le gâteau.

J’ai rencontré ma copine par ce biais. En couple depuis sept ans aujourd’hui, je suis moins tourmenté sur le sujet. Même si mes complexes me collent encore un peu à la peau. On ne se refait pas du jour au lendemain. Sans être asexuel, je ne suis pas devenu fou de sexe, avec des gros besoins quotidiens. Et personne ne m’a jamais dit que j’étais le « coup du siècle ». Du moins, pas encore ! On dit souvent que le plaisir chez les femmes n’est pas automatique. C’est le cas pour moi aussi. J’ai accepté que la jouissance grandisse avec la maturité et l’expérience.

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