Sous son propre toit, il se fait voler la vedette. D’abord par Madame, élégant berger australien, jamais rassasié en caresses et en compliments, dont la photogénie est incontestable. Mais aussi par Valentin, 4 ans, showman en herbe, qui, lui non plus, ne boude pas son plaisir devant les objectifs. « C’est lui la star à la maison. Sur les conseils de sa maîtresse d’école, on l’a inscrit à des cours de cirque, et désormais il fait aussi du théâtre tous les mercredis. »
Le bambin, jamais en reste d’une pitrerie, a de qui tenir. Voilà près de vingt ans que Christophe Beaugrand distille son inaltérable bonne humeur sur le petit écran, avec cette particularité de jongler entre l’information la plus sérieuse et le pur divertissement. Capable de passer, en un claquement de doigts, du « Brunch de l’info » au « Bêtisier du nouvel an ». Un grand écart des plus acrobatiques que peu ont su gérer depuis Léon Zitrone. « On ne me l’a jamais reproché. Ça m’a d’ailleurs permis de toucher des publics différents. » Même s’il doit admettre qu’aujourd’hui « ça aurait été peut-être compliqué de continuer à parler de la guerre en Ukraine sur LCI tout en animant “Secret Story” ».
Le 23 avril, Christophe Beaugrand retrouvera l’un de ses costumes préférés, celui de présentateur de téléréalité. Sept ans que « Secret Story » – ersatz du « Loft » – avait disparu des antennes. Son « reboot » – comme on dit dans le métier – est l’événement télévisuel de ce printemps. « Si j’ai accepté de resigner, c’est aussi parce qu’on revient aux origines du jeu. Ça sera plus familial. Jamais dans le trash, car pour ça il y a désormais les plateformes, avec “Frenchie Shore” par exemple. » Entre autres nouveautés, un casting plus « représentatif de la société » : exit les mecs bodybuildés et les bimbos. Fini aussi les soirées en prime time. Mis à part pour la première et la finale, l’émission ne sera diffusée qu’en quotidienne sur TF1, avec pour particularité d’être en direct le vendredi pour l’élimination d’un candidat.
Il fallait attendre le bon projet : c’était le retour de “Secret Story”
Christophe Beaugrand
Un retour aux sources pour Christophe Beaugrand qui, depuis quelques années, semblait comme délaissé par le groupe TF1. Lui que l’on imaginait un temps nouveau golden boy de la première chaîne devait se contenter de présenter la matinale du week-end sur LCI et de coanimer « Ninja Warrior » durant l’été. « Il est certain qu’à un moment donné j’avais envie de faire davantage de choses. Pour autant, j’ai la chance de ne pas avoir connu de traversée du désert. Il fallait attendre le bon projet : c’était le retour de “Secret Story”. »
Depuis janvier, il est aussi l’un des visages de « Bonjour ! », le nouveau rendez-vous des lève-tôt sur TF1 animé par Bruce Toussaint. Autour de la table du petit déjeuner, Beaugrand joue les trublions, toujours le premier pour faire une blague ou un bon mot. A-t-on pu l’accuser de trop prendre la lumière à côté des autres chroniqueurs ? « J’ai l’avantage de connaître Bruce depuis longtemps. On avait déjà travaillé ensemble sur Canal+. Il me dit souvent qu’il a besoin de moi pour rebondir et amener de la bonne humeur dans l’émission. Mais il y a une vraie dynamique de bande. »
Je ne rate jamais l’histoire du soir. Mais souvent elle m’endort en même temps que mon fils
Christophe Beaugrand
De l’avis de ses collègues, Christophe Beaugrand est autant un « bon camarade » qu’un « gros bosseur ». Lui concède même être « workaholic », comprenez accro au boulot. Ses journées laissent peu de place au répit, pas plus qu’à l’improvisation. Réveil à 5 heures chaque matin. Il enchaîne ensuite tournages – sur TF1 ou RTL où il est l’une des « Grosses têtes » – et écriture de chroniques pour le lendemain, jusqu’à ce qu’il aille chercher Valentin à l’école. « Je ne rate jamais l’histoire du soir. Mais souvent elle m’endort en même temps que lui. »
Rares sont les moments où il quitte des yeux son téléphone portable – il est « addict » là encore. Il n’y a bien que dans son havre de paix qu’il arrive à se déconnecter du monde survolté de la télé. Un superbe hôtel particulier, acheté en 2018, avec piscine et jardin, sis à Sèvres, aux portes de Paris, qu’il rejoint à scooter. « Les week-ends, on fait du jardinage ou de la cuisine. On va se promener au parc. Bref, des choses plus que banales. » Ghislain, son mari, qui travaille aussi pour des chaînes en tant que journaliste-programmateur, n’a jamais été dans l’idolâtrie. « Quand il regarde mes émissions, il est même assez critique. Il m’envoie parfois des SMS en direct pour me dire que je parle trop ou que j’ai une mèche de travers. »
On a longtemps prétendu qu’on s’était rencontré chez des amis communs, mais en réalité c’était sur une application
Christophe Beaugrand
Christophe et Ghislain se sont rencontrés en 2011. « Comment ? » demande-t-on naïvement. Un ange passe. Regards complices : « On a longtemps prétendu que c’était chez des amis communs, mais en réalité c’était sur une application. Il y a dix ans, ce n’était pas encore entré dans les mœurs, donc c’était plus difficile à avouer. » Après une longue relation et une rupture douloureuse, Christophe Beaugrand ne croyait plus en l’amour. Ghislain lui a redonné espoir. Seul frein à leur belle histoire ? Leur différence d’âge. « Il avait 21 ans, moi 33, donc je me suis posé des questions, raconte Christophe. Puis je me suis aperçu qu’il était plus vieux que moi dans ses références… »
Rapidement, ils rêvent d’avoir un enfant, mais veulent d’abord se marier. « Notre côté tradi, plaisantent-ils. Des hommes gays nous ont quand même reproché d’être trop hétéronormés ! » Des préparatifs à la cérémonie, tout est publié sur les réseaux sociaux et dans la presse people. Un excès d’impudeur selon certains, mais eux revendiquent « l’envie de partager la joie de leurs familles et de banaliser leur amour ». « Quand j’étais enfant, ma mère répétait que pour vivre heureux, il fallait vivre cachés. Je ne suis pas d’accord », explique Ghislain.
« J’ai horreur de cette expression », souffle Christophe. Après la naissance de Valentin, en 2019, ils écrivent un livre – « Fils à papa(s) » (éd. Plon, 2021) – qui retrace la tumultueuse aventure de leur GPA, des premiers contacts avec une agence au Nevada jusqu’à leur rencontre avec Whitney, celle qui a porté leur bébé. Loin d’être seulement un moyen d’arriver à leurs fins, cette mère porteuse a toute sa place sur la photo de famille. « On tenait à garder un lien. L’an dernier, elle est venue passer une semaine chez nous avec son mari. Elle est même allée à la kermesse de l’école. Valentin la connaît et connaît son histoire. »
On ne veut pas être les porte-drapeaux de la légalisation de la GPA en France
Christophe Beaugrand
Même s’ils savent que le message qu’ils portent est éminemment politique, ils refusent de s’engager au côté d’un parti ou d’une association. « On ne veut pas être les porte-drapeaux de la légalisation de la GPA en France. Je ne suis pas persuadé que tout le monde dans ce pays y serait prêt. En revanche, il faut respecter les familles qui y ont eu recours. »
Christophe et Ghislain se satisfont des centaines de messages, mots gentils ou lettres de remerciements qu’ils reçoivent : « Et pas seulement de la part de mecs gays, mais aussi beaucoup de mères de famille et de femmes qui ont eu des difficultés à avoir un enfant. »
J’ai voulu créer une vraie relation avec le public, donc je ne m’imaginais pas lui cacher mon bonheur
Christophe Beaugrand
Un rôle de modèle d’autant plus important que Christophe en a manqué quand il était adolescent. Solitaire et harcelé, il n’avait que le poste pour refuge. Retracer sa jeunesse revient à feuilleter un « Télé 7 jours » : ses meilleurs amis se prénommaient Dorothée, Ariane ou encore Ricky (de la sitcom « Ricky ou la belle vie »), son premier émoi sentimental. « Niveau représentation gay, c’était limité. Il y avait tout au plus Jacques Chazot. Donc, à l’époque, je craignais de ne pas être normal, d’être rejeté. »
Depuis, les médias ont heureusement évolué et de nombreuses personnalités sont sorties du placard. Même si certaines préfèrent encore y rester. En septembre 2023, sur le plateau de « Quelle époque ! », Muriel Robin dénonçait l’homophobie tenace dans le milieu du show-business : « Je connais des acteurs homos et on ne saura jamais qu’ils sont homos », avait-elle déclaré. « Peut-être que ce qui est vrai pour le cinéma l’est moins pour la télé, avance Christophe Beaugrand. Pour moi, ça a été naturel. Je l’ai toujours dit. Et, à part un producteur sur Canal+ qui m’avait conseillé de ne pas parler de ma vie privée à l’antenne, on ne m’a jamais fait de réflexion. » Et d’ajouter : « J’ai voulu créer une vraie relation avec le public, donc je ne m’imaginais pas lui cacher mon bonheur. »
La prochaine étape de cette félicité est-elle d’avoir un deuxième enfant ? « J’ai réussi à trouver le parfait équilibre aujourd’hui, donc je n’en suis pas certain. Et puis on en a un qui a de l’énergie pour trois », plaisante Christophe Beaugrand, tout en surveillant Valentin qui fomente une nouvelle bêtise dans le jardin. Cascadeur dans l’âme, le petit garçon voudra peut-être un jour faire du cinéma. Ou pourquoi pas de la télé-réalité ? « Peu importe, on le soutiendra. On a le temps de voir venir. Pour l’instant, son seul rêve, c’est de devenir Spider-Man. »
« Secret Story », sur TF1 à partir du 23 avril. Première à 23 h 30, quotidienne du lundi au samedi à 17 h 30.
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