« Comme les mecs, elles veulent pouvoir se faire beaucoup d’argent » : comment les femmes investissent peu à peu le trafic de drogue

L’ubérisation du trafic de stupéfiants conduit de plus en plus de femmes à se lancer dans une carrière illicite, souvent en tant que convoyeuses, mais parfois aussi à la tête de leur propre affaire.

Safiatou, une jeune femme sans histoire de 27 ans, a été arrêtée en novembre à un péage près d’Angers (Maine-et-Loire), alors qu’elle transportait 4,5 kg d’héroïne dans son véhicule. L’enquête a permis d’établir qu’elle avait effectué pas moins de 31 voyages entre le nord de la France, où elle vit, et les environs de Nantes, faisant transiter au total près de 150 kg de cet opioïde. 

Mère d’un petit garçon de 4 ans, cette mécanicienne automobile n’a pourtant rien d’une trafiquante de drogue chevronnée. C’est sans doute ce qui a intéressé les hommes qui l’ont recrutée : passe-partout, elle était la convoyeuse idéale. Safiatou a été condamnée le 11 mars à 18 mois de prison ferme, et autant avec sursis. Son fils a été placé à l’aide sociale à l’enfance (ASE) le temps de son incarcération. 

« C’était la première fois que je voyais une femme condamnée dans une affaire de stupéfiants », confie son avocat, Olivier Rolland. Historiquement, elles étaient cantonnées aux rôles de « nourrices » : ces femmes, dans des situations souvent précaires, à qui l’on propose ou impose de cacher de la drogue, de l’argent liquide ou des armes à leur domicile, le tout en échange d’une rétribution.

Traditionnellement, les femmes dont les noms apparaissent dans les procédures sont aussi des compagnes de trafiquants, « qui sont au courant que leur mec a des stups chez lui ou qu’il deale quand elles sont là », observe Olivier Rolland. « Elles participent parfois à la dissimulation de la marchandise, mais ne sont pas à la manœuvre ». Mais cette situation tend à changer, et les femmes prennent une part de plus en plus active dans le trafic.

« Depuis cinq ou dix ans, on constate un changement générationnel : les femmes entrent dans les réseaux en tant que petites mains », note Eddy Sid, porte-parole du syndicat Unité SGP Police-FO Marseille, qui relève depuis quelques années leur présence sur les points de deal de la cité phocéenne. « Dans les quartiers nord, quelques-unes font office de chouf [personne chargée de prévenir les dealers de l’arrivée de la police]. Sur le point de deal de La Paternelle, on a aussi vu des rabatteuses [chargées d’orienter les consommateurs] âgées de 14 ou 15 ans« , détaille le syndicaliste. 

Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance Police, assure que les filles sont également recrutées comme « charbonneuses », responsables de la vente de la drogue au client. « On les met en contact direct avec l’argent et la marchandise. Ça montre que les dealers leur font de plus en plus confiance », analyse-t-il. Même constat à Grenoble (Isère), où l’on « commence à recruter des filles étrangères en situation irrégulière, des mineures ou de très jeunes majeures », glisse la vice-procureure, Mariette Auguste.

Pour autant, le deal « reste un milieu d’hommes, qui n’ont pas envie d’associer les femmes à leurs affaires, et encore moins les traiter d’égales à égales », souligne un officier de police judiciaire basé à Metz (Moselle). 

« Les trafiquants sont loin d’être des féministes. La femme, pour eux, est soit celle qui reste à la maison et garde les enfants, soit une pute ou une maîtresse. »

Un officier de police judiciaire de Metz

à franceinfo

Un constat que partage Sarah Perrin, sociologue, qui a échangé avec des dizaines de consommatrices et vendeuses de drogue pour son ouvrage Femmes et drogues : trajectoires d’usagères-revendeuses insérées socialement à Bordeaux et Montréal« A partir du moment où on est une femme et qu’on veut acheter ou vendre seule, on est forcément confrontée à des valeurs virilistes, à des stéréotypes, à de la discrimination, à des menaces de violence ou à de la violence concrète », détaille-t-elle à France 3 Nouvelle-Aquitaine. Pour l’heure, les acteurs interrogés par franceinfo certifient d’ailleurs qu’il n’y a que des hommes à la tête des points de deal. 

C’est donc par l’essor du « Uber shit » que les femmes investissent le trafic de stupéfiants. Une part croissante des trafiquants – et désormais trafiquantes – utilise des messageries chiffrées telles que Telegram, WhatsApp ou Signal, ou encore le réseau social Snapchat pour vendre et livrer leur marchandise directement au domicile des consommateurs. 

« Si les filles n’hésitent plus à se lancer, c’est surtout à cause de l’ubérisation du trafic, qui peut se faire sans les dangers des points de deal« , confirme Samuel Vuelta-Simon, le procureur de la République de Toulouse. « Les femmes n’ont plus besoin d’avoir la protection d’un homme sur le terrain : elles peuvent se lancer seules, avec un téléphone, et en étant un peu malignes », abonde l’avocate toulousaine Sarah Nabet-Claverie. 

A ces conditions d’entrée facilitées s’ajoute une certaine banalisation de la vente de stupéfiants, et notamment de la cocaïne, devenue la deuxième drogue illicite la plus répandue en France. « Beaucoup, y compris les filles, ont l’impression que c’est un commerce comme un autre », souligne Samuel Vuelta-Simon. Le transport, la détention, l’offre, la vente ou l’achat de stupéfiants exposent pourtant à dix ans de prison et 7 500 000 euros d’amende, selon l’article 222-37 du Code pénal.

La plupart de celles qui se lancent voient dans le trafic l’opportunité d’obtenir un complément de revenu. Certaines ont des fins de mois difficiles, mais toutes ne sont pas forcément en grande précarité. « Je vois arriver pas mal d’affaires impliquant des jeunes femmes bien insérées, qui ont des attaches familiales, sont en couple, qui travaillent ou vont en cours… », témoigne Gaëlle Heux-Tammen, avocate à Lorient (Morbihan). 

Elle a récemment défendu Noëmie (le prénom a été modifié), 20 ans, une étudiante en BTS commerce en alternance, au casier vierge, qui ne consommait aucune drogue. Du jour au lendemain, cette Rennaise s’est mise à livrer de l’héroïne et de la cocaïne pour le compte d’un trafiquant qui l’avait approchée. La jeune femme vit au Blosne, un quartier d’Ile-et-Vilaine rongé par le trafic, où une fusillade a éclaté dans la nuit du 10 au 11 mars. Au moment de son arrestation, près de 80 000 euros ont été saisis au domicile de Noëmie, qui était également « nourrice ». Lors de son procès, les magistrats se sont d’ailleurs demandés si la fusillade n’avait pas un lien avec la confiscation de cette somme, survenue quelques jours avant. 

A l’audience, l’étudiante « a compris la gravité de ses actes. Mais avant, elle parlait du trafic comme on parle d’un petit boulot tout ce qu’il y a de plus normal », s’étonne Gaëlle Heux-Tammen. La jeune femme avait pourtant étudié une année en fac de droit avant son BTS et rêvait de devenir avocate. Elle a été condamnée à vingt-quatre mois de prison, dont six mois ferme. « Elle est partie directement en détention et va devoir quitter la région, car elle court un gros risque de représailles », s’inquiète Gaëlle Heux-Tammen, qui note que l’on a vu « des enlèvements, séquestrations et tortures pour bien moins que 80 000 euros« . 

Comme Noëmie, Safiatou s’attendait à écoper d’une peine de prison avec sursis pour ses convois d’héroïne. C’est sous-estimer la sévérité de la justice. La prison ferme n’est, en effet, pas rare dans ce type de dossiers. « Sur la cocaïne, la MDMA et l’héroïne, ça cogne fort, confirme l’avocat angevin Olivier Rolland. Les magistrats sont particulièrement intraitables sur l’héroïne : c’est la drogue qui tue le plus par overdose. »

Les recruteurs ne ciblent pas au hasard leurs convoyeuses : ils savent que ces femmes ont besoin d’argent, et leur promettent des sommes attrayantes, même si, « 200 à 300 euros le trajet pour Safiatou, c’est franchement dérisoire », souffle Olivier Rolland. « C’est tout bénef’ pour les réseaux, qui jouent sur la confiance qu’elles inspirent », observe Gaëlle Heux-Tammen. Un policier des « stups » à Villeurbanne admet avoir « moins le réflexe de contrôler une femme au volant ».

Récemment, lors d’un contrôle aléatoire, l’un de ses collègues a pourtant retrouvé « une quantité importante de produit » dans le véhicule d’une animatrice périscolaire en collège. « Elle vit dans un quartier où le trafic tourne à plein : des trafiquants lui ont promis de l’argent facile et elle est tombée dedans, alors qu’elle est loin d’avoir la fibre délinquante », décrit le policier, sidéré. 

« Ces derniers mois à Marseille, on a arrêté plusieurs convoyeuses au profil inattendu : des étudiantes, issues de beaux quartiers… Les belles-filles parfaites en apparence. »

Eddy Sid, porte-parole du syndicat Unité SGP Police-FO

à franceinfo

Ces nouvelles recrues du narcotrafic forcent la police, mais aussi la justice, à reconsidérer la place des femmes dans les dossiers de stups. « On a toujours tendance à estimer qu’elles sont de petites choses fragiles, sans libre-arbitre, manipulées par leur ex ou leur mec », remarque Sarah Nabet-Claverie. L’avocate reconnaît avoir parfois joué de ce cliché pour réduire les peines de ses clientes.

Après cinq ans en charge des dossiers liés au trafic de drogue à Grenoble, c’est seulement « depuis deux ou trois ans » que Mariette Auguste a changé de regard sur les femmes dont le nom apparaît dans les dossiers relatifs au trafic. « Avant, les compagnes et les mères étaient laissées de côté dans les procédures », reconnaît la vice-procureure. 

Au-delà des convoyeuses, la magistrate dit retrouver de plus en plus de femmes dans des affaires de blanchiment d’argent sale. Lors d’une récente vague d’interpellations au sein d’une grande famille de trafiquants, les enquêteurs ont découvert que la mère du clan était chargée de dissimuler l’origine des fonds qui passaient entre ses mains. Elle « payait les travaux en espèces, faisait des placements immobiliers, et envoyait ses fils mettre à l’amende les mauvais payeurs », relate Mariette Auguste. La magistrate cite une autre affaire récente : une jeune femme dirigeait un petit trafic de cocaïne pour une quinzaine de clients. Son conjoint était connu de la justice, pour d’autres faits. « Les enquêteurs ont d’abord pensé que c’était lui qui était aux manettes », commente la magistrate. 

L’avocate Sarah Nabet-Claverie a suivi plusieurs dossiers récents impliquant des femmes à la tête de leur propre affaire. L’avocate a notamment défendu la tête d’un réseau de cinq femmes, des amies d’enfance ayant grandi ensemble à l’ASE, « et qui pouvaient se faire jusqu’à 15 000 euros par jour ». 

Les femmes qui se lancent « ne veulent dépendre de personne. Comme les mecs, elles veulent pouvoir se faire beaucoup d’argent d’un coup et prennent goût aux vêtements et aux sacs de luxe, résume Sarah Nabet-Claverie. En théorie, le déterminisme social les empêche d’accéder de manière quasi certaine aux belles choses et aux beaux endroits », relève l’avocate. Mais jusque dans le trafic de stupéfiants, les femmes veulent aussi leur part du gâteau.

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Par Joseph GARCIA

Responsable édition

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