Découvert momifié dans sa grotte de Penne en 2014, Alain Carcenac, ancien reporter photographe, a vécu pendant une décennie dans cette cavité qui lui servait d’habitation. Nous sommes revenus sur les lieux qui sont aujourd’hui sa dernière demeure.
« La découverte la plus macabre que j’ai faite dans une grotte », confie Robert Coustet. Avec Bernard Valette, de la Société Spéléologique des Pays Castrais et Vaurais, ils ont découvert, en janvier 2014, le corps sans vie d’Alain Carcenac.
« Dans la grotte des Battuts, entre Penne et Bruniquel, raconte-t-il. Il était allongé sur un matelas, protégé du sol par des palettes. Son corps était presque momifié dans cette habitation sommaire avec un coin cuisine, une penderie, une partie nuit. » Sidérés, ils alertent les gendarmes de Vaour. L’enquête a conclu à une mort naturelle, probablement en raison d’un arrêt cardiaque.
Beau mec, style playboy
Avant de basculer dans une vie d’ermite, Alain Carcenac, originaire de Montauban, a travaillé de longues années comme photographe pour un journal en Nouvelle-Calédonie. Pour ses collègues de la presse, c’était le beau mec, style playboy, sans histoire.
« Je suis certain qu’il a vécu plus de 10 ans à Penne. Discret, respectueux, il allait et venait, disparaissait et puis refaisait surface », raconte Jean-Luc Kretz, le maire de l’époque. « J’ai réussi à l’apprivoiser. Il ne parlait que très peu de sa vie d’avant. Il se passionnait pour la nature, les arbres et les plantes. Les habitants avaient pris l’habitude de lui laisser des victuailles à côté du container à ordures. »
Jean-Luc Kretz a eu sa fille au téléphone : « Elle le prenait chez elle à Montauban. Au bout de quelques jours il repartait à pied pour rejoindre son habitation ». Bermuda, tee-shirt délavé, veste sans manches simili cuir, bandeau dans les cheveux, l’ancien maire a toujours en tête la tenue habituelle de ce curieux administré.
« Il avait quelque chose de Georges Moustaki, dit-il, affectueusement. Il récupérait un tas de choses. C’était un homme libre. Il semblait heureux. »
Visite guidée
Nous sommes revenus sur les lieux guidés par Bernard Alet, président du Centre archéologique des Pays de l’Albigeois. « J’y monte une fois par an », souffle-t-il, tout en s’accrochant aux branches de chênes verts.
Pour qui ne connaît pas le secteur, inutile de s’aventurer dans ces taillis où l’on ne devine que quelques sentes. Sur un kilomètre, depuis les rives de l’Aveyron, le dénivelé est impressionnant. « Comment a-t-il pu acheminer autant de bazar tout là-haut ? Je n’ai toujours pas la réponse », s’étonne notre guide.
À flanc de falaise, nous arrivons, après une bonne suée. « C’était sa résidence d’été, bien exposée plein sud, avec une vue magnifique sur la vallée. » Vertigineuse, la vue est grandiose avec la rivière et l’ancienne gare tout en bas. À une centaine de mètres, une autre grotte : « Voici, sa résidence d’hiver avec une entrée plus étroite, donc à température constante ».
Une tonne évacuée
Chargé avec son association de faire le nettoyage après le décès de son occupant, Bernard Alet se remémore. « Avec une tyrolienne, nous avons tout évacué : un frigo, un fauteuil Voltaire, des victuailles, des habits, un hamac, des couvertures, en tout près d’une tonne. »
Ce lieu coupé du monde est désormais la dernière demeure de l’homme des cavernes. Jean-Luc Kretz fera une dernière confidence : « C’est interdit mais nous avons autorisé sa famille a dispersé ses cendres près de ces grottes, en souvenir de cette belle rencontre que nous avons eu avec cet homme qui est entré dans l’histoire de notre village ».
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