Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, de fragiles avancées pour les femmes

Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, de fragiles avancées pour les femmes
Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, de fragiles avancées pour les femmes

En apparence, rien n’a changé. Les fourgons blancs de la police des mœurs patrouillent toujours dans les quartiers animés de Téhéran, à l’heure du deuxième anniversaire de la mort de Mahsa Amini, survenue le 16 septembre 2022 alors qu’elle était détenue par les forces de l’ordre pour refus de port du hidjab obligatoire. Comme si la colère populaire qui s’est exprimée depuis s’était déversée en vain.

En apparence seulement, assure Niousha Moradi, 24 ans. Accompagnée de ses amis, cette professeure de fitness arpente sans foulard les allées de la galerie commerciale du nord-ouest de Téhéran, vêtue d’une robe courte à rayures bleues et blanches.

« Oui, les rues ont été vidées de leurs manifestants après des mois de répression sévère, mais le refus de nombre de femmes de porter le hidjab obligatoire est bien l’acquis le plus tangible de la contestation. Il y a trois ans, nous ne serions même pas arrivés au deuxième étage avec les vêtements que nous portons aujourd’hui. » Comme elle, les femmes insatisfaites de la situation actuelle sont toujours prêtes à payer le prix fort, pour voir les choses changer.

Deux années de répression

Au cours des deux dernières années, comme l’ont montré de nombreux rapports, le mouvement « Femme, vie, liberté » s’est heurté à de nombreuses poursuites liées au hidjab. Un nombre important de véhicules appartenant à des contrevenants a été saisi. Un peu partout dans les lieux publics, les femmes sont toujours confrontées au harcèlement de la part d’individus présentés par le pouvoir comme des « promoteurs de vertu ».

Des agents ont été postés dans les stations de métro. Des cafés et des restaurants recevant des femmes non voilées ont été fermés. Aux guichets de l’administration ou dans les transports, les services sont refusés aux citoyennes découvertes. Le 20 septembre dernier, le Parlement iranien a adopté un projet de loi « visant à soutenir la culture de la chasteté et du hidjab ».

L’élection du réformateur Massoud Pezeshkian le 6 juillet, après la mort du président iranien Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère, n’a pas vraiment changé la donne. Et ce malgré la promesse d’un Iran plus tolérant et plus ouvert à l’Occident. Les diverses autorités du pays, dont le Parlement, se rejettent mutuellement la faute de ce statu quo, regrettant que le ministère de l’intérieur conserve les ordres donnés par l’équipe présidentielle précédente.

Dans ce contexte, Niousha Mouradi a bien conscience qu’elle n’est pas à l’abri de la police. Un malheur peut tomber n’importe quand, et il peut coûter très cher. Il faut appréhender ce risque dans chaque détail de la vie quotidienne. « Aux entrées et sorties de ces centres commerciaux, si vous marchez à pied avec des vêtements qui enfreignent les règles gouvernementales, vous pouvez être arrêté. Mais si vous sortez par le parking, la police vous infligera tout au plus une amende pour votre voiture. »

La loi reste, les mentalités changent

Saarang, un jeune homme qui l’accompagne, estime aussi que les lignes ont bougé grâce au mouvement « Femme, vie, liberté ». Y compris au sein de la gent masculine : « De nombreux hommes iraniens ont été libérés d’une mentalité patriarcale de contrôle. Les religieux racontent certes qu’une femme ne portant pas le hidjab déshonore son mari. Mais le large soutien des hommes contre le hidjab obligatoire dit autre chose : les femmes ont le droit de choisir leur propre tenue vestimentaire. L’ère où les hommes se conduisent en propriétaires des femmes est révolue. »

Le monde enseignant est aux premières loges pour observer les transformations sociétales à l’œuvre, quoi qu’en disent les autorités du pays. Leila Esmaeilpour, enseignante de 40 ans dans un lycée du centre de Téhéran, et mère d’une petite fille, note cet « impact profond » de la nouvelle génération : « Les jeunes n’acceptent pas la force, ils ne veulent surtout pas que d’autres décident à leur place. » Dimanche, la prix Nobel 2023 de la paix, Narges Mohammadi, détenue depuis novembre 2021, a annoncé sur X que trente-quatre détenues iraniennes ont entamé une grève de la faim pour « commémorer » le deuxième anniversaire du mouvement.

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Timides signes d’ouverture

Élu le 5 juillet, le nouveau président iranien Massoud Pezeshkian avait appelé à améliorer les relations avec Washington dans le but de faire lever les sévères sanctions sur l’Iran.

Le nouveau chef de la diplomatie du pays, Abbas Araghchi, a cependant réaffirmé le 23 août dernier son soutien à l’« axe de la résistance » (qui rassemble le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et les houthistes du Yémen) face à Israël, allié des États-Unis.

Dans ce nouvel exécutif, une femme, Farzaneh Sadegh, est chargée des routes et du développement urbain. À 48 ans, elle devient la deuxième Iranienne à accéder à un poste ministériel depuis l’instauration de la République islamique en 1979.

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