Sa figure semblait sacrée. Personnalité préférée des Français, pendant des décennies, l’abbé Pierre était une sorte de bien public. Cela ne mangeait pas de pain, sa cause, un véritable apostolat, ne souffrait aucun débat. La seule image de celui qui avait eu droit à des obsèques nationales était rassembleuse, largement au-delà de l’Église. Même en 2005 quand, à demi-mot, il avait confié, dans un de ses nombreux livres, avoir donné quelques coups de canif dans son vœu de chasteté, les Français l’avaient absous, faute avouée pouvant être, elle aussi, à moitié pardonnée. La longue souffrance de ses victimes aujourd’hui livrée au grand public suscite autant de compassion que d’amertume. Parce qu’on ne peut pas croire que, pendant si longtemps, personne ne savait. Et que l’on ne peut admettre que l’on s’est tu pour continuer à jouir de l’idole. Parce qu’au malheur des femmes abusées, s’ajoute désormais l’abyssale déception de ceux qui l’ont aimé. En qui avoir foi si les premiers s’évertuent à être les derniers ? Reste l’œuvre, si forte, qu’il faudra distinguer de l’homme à la chair si faible.
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