« Je voulais parler du couple sous toutes ses formes » : Benoît Séverac creuse ses obsessions dans son nouveau roman

La Dépêche du Midi : « Le Bruit de nos pas perdus » offre l’opportunité de retrouver les personnages de « Tuer le fils », vous ont-ils manqué à ce point ?

Benoît Séverac : Oui, j’ai adoré ces personnages que je retrouve comme de vieux potes qui ont changé. Et je voulais leur mettre dans les pattes une jeune femme qui sort de l’école de police, qui va remuer un peu le cocotier. Elle est #metoo, pas agressive, et elle les secoue. En même temps c’est une façon de brosser le portrait de ce que nous sommes tous et notamment moi, quinqua et plus, donc je suis concerné par cette remise en question obligatoire qui était quand même bienvenue. Le livre donne l’occasion de montrer l’épouse du commandant Cérisol, Sylvia, qui était l’élément solide de mon livre « Tuer le fils », dans un état de fragilité.

Quelles thématiques vouliez-vous aborder avec cet ouvrage ?

Je voulais parler du couple sous toutes ses formes. Celui qui n’a pas d’enfant, celui qui revient d’Israël et comment il tient après une Alyah ratée, le couple adultérin avec un mec un peu minable, pas très courageux. Je voulais explorer tout ça parce que, pour moi, tout se passe dans le couple et dans la famille. Beaucoup de fractures naissent là, beaucoup de réconfort vient de là. Pour l’équipe d’enquêteurs de ce livre, c’est le boulot qui les tient, l’amitié est là alors que les failles sont à la maison. Le boulot est dur mais c’est là qu’ils parlent.

On aborde également les arcanes de la haute société avec ce nouvel ouvrage…

J’ai été grandement aidé par une procureure du Parquet de Toulouse qui m’a reçu plusieurs fois pendant l’année et qui m’a parlé cash sur les rapports entre le procureur général, les vice-procureurs, les adjoints, l’âge, le sexe, la politique… On est encore dans l’humain et, parfois, l’humain n’est pas très beau.

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Dans votre livre, le lecteur est confronté à une double intrigue…

Oui la deuxième histoire n’est pas dominante mais elle fait l’objet d’une enquête aussi. Pour moi, elle était hyperimportante humainement parce que j’avais quelque chose à dire. J’avais bien envie d’écorcher un peu l’hypocrisie chrétienne. Alors évidemment tous les croyants, tous les chrétiens ne sont pas comme ça. Mais il y a de ça et c’est d’autant plus détestable quand ce sont des gens qui prônent certaines valeurs. Le personnage d’Amos est recueilli par une famille de la bourgeoisie versaillaise qui l’héberge, le nourrit au nom de la charité chrétienne mais tout ça se transforme en esclavage moderne. La limite entre « rendre service » et « exploitation » est ténue…

Comment avez-vous été sensibilisé au problème ?

En rencontrant l’association Welcome Toulouse qui gère une chaîne humaine d’accueil de gens en attente de statut de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Ce sont des gens qui n’ont pas encore le statut de réfugié politique ou d’asile, ils sont dans un no man’s land juridique, n’ont droit à rien et n’ont absolument pas vocation à dormir dehors parce qu’ils ne sont pas armés pour ça. Et le dispositif CADA (Centre d’accueil pour demandeur d’asile) n’est pas en place pour eux parce qu’ils n’ont pas franchi certaines étapes, donc en attendant ils sont à la rue. Donc les familles de bénévoles inscrites à Welcome Toulouse les accueillent en se relayant.

Je suis devenu membre de l’association voilà quelques années et j’ai vu des parcours de vie en discutant avec des gens qui ont traversé l’Afrique à 17 ans et qui ont vécu des trucs littéralement inimaginables, même pour un romancier. Face à soi, on n’a plus des statistiques ou un reportage télé, on a un être humain et on est incapable de dire : « Rentre chez toi, rentre dans ton pays ». C’est impossible, c’est de la réalité humaine.

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La diversité de votre écriture caractérise par ailleurs votre parcours d’écrivain, quel nouveau titre à venir ?

Je trouve que le grand plaisir, la grande jouissance de ce métier est d’inventer à chaque fois quelque chose de nouveau, de s’exciter intellectuellement, personnellement. Donc j’essaie de m’éclater dans l’écriture pour ados également. Mon prochain livre, « Le Clash », paraîtra en janvier. C’est un roman noir et d’aventure qui raconte l’histoire d’un jeune Français qui part faire un séjour linguistique en Angleterre et qui a une révélation punk ! Il s’essaie aux interdits mais il va être rattrapé par la patrouille. J’essaie d’écrire à l’ado malheureux que j’ai été pour le consoler. Le prochain est un roman qui se rapproche de l’autofiction.