« Tu n’arrives toujours pas à me tutoyer ! En même temps je comprends, je suis une légende », s’amuse Jean-Louis Aubert dans une suite classieuse de l’hôtel Lutetia à Paris. À 69 ans, le chanteur-compositeur-interprète se montre en belle forme malgré une journée passée à enchaîner les interviews pour son nouvel album, Pafini. Celui-ci marque son grand retour cinq ans après Refuge, qui avait été suivi d’une tournée marathon et d’une opération à cœur ouvert (pour une malformation de naissance).
Le chanteur-guitariste s’est régénéré au soleil de Marseille, où il a trouvé son petit coin de paradis : une cabane de pêcheurs avec un accès direct à la mer. Il en a tiré un hymne festif dévoilé cet été (Merveille) et bien plus encore, tant cet album au titre trompeur se révèle abouti. Rock incandescent, ballade folk à l’os, chanson classique ou pop… Jean-Louis Aubert se faufile entre les styles musicaux avec une belle dextérité pour chanter ses thèmes fétiches - l’urgence de vivre, l’amour salvateur, la finitude et le pouvoir guérisseur d’une chanson… Entretien avec un passionné d’IA qui se définit comme un « cyber troubadour ».
Votre album devait s’appeler Le Chant des possibles. Pourquoi avoir choisi ce drôle de titre, Pafini ?
Je l’aime bien, je le trouve un peu enfantin et on peut l’interpréter de différentes manières. C’est une façon de dire : « Je suis encore là, avec plein d’envies et beaucoup de choses à raconter. » Et puis je l’ai aussi souvent dit à ma maison de disques quand elle s’impatientait un peu… « Désolé, l’album n’est pas fini. » Au final, je leur ai quand même mis un an dans la gueule ! C’est vrai que le processus de création n’arrêtait pas de s’étirer, sans être laborieux, au contraire. J’ai joué de tous les instruments : guitare, basse, batterie, piano… Je me suis initié au logiciel FruityLoops [maintenant FL Studio] utilisé par les rappeurs, juste par curiosité car j’adore apprendre. En studio, j’applique à la lettre cette pensée attribuée à Nietzsche : « Il faut faire les choses avec le sérieux d’un enfant qui joue. » J’ai toujours préservé cette approche ludique dans le travail, même si je déteste ce mot.
Pafini compte seulement douze titres quand votre précédent album en comptait près du double. On vous a connu plus prolifique…
Je voulais un disque concis, plus facile à écouter qu’un album-fleuve. Mais j’ai au moins une trentaine de « chansons jalouses », comme je les appelle, qui attendent dans mes tiroirs. Et elles ne sont pas du tout contentes, je les entends même m’engueuler : « Bon, c’est quand que tu me finis, Jean-Louis ? », « Et pourquoi j’ai été recalée ? Je ne suis pas assez bien pour toi, c’est ça ? », « Tu me trouves moche ? » J’espère les sortir pendant l’année, par salves, de manière impromptue sur des plateformes de streaming ou sous la forme d’EP, des mini-albums de quatre, cinq titres.
L’une des chansons les plus rock de l’album s’appelle L’Enfant perdu. Vous conversez souvent avec le Jean-Louis Aubert adolescent ?
C’est toujours lui qui parle à l’adulte. L’adolescent que j’ai été est mon ancêtre. J’obéis à ses ordres : « Sois authentique, reste fidèle à tes idéaux, laisse parler ton inconscient, tu auras des surprises par la suite. » Il est mon mentor, un guide spirituel. Il me dit aussi : être rock, ce n’est pas seulement porter un pantalon en cuir et faire hurler sa guitare, mais garder intacte sa curiosité, le désir de raconter son histoire intérieure et de se laisser bousculer par de jeunes talents. Pour cet album, j’ai collaboré avec Eliott Sigg, un gamin hyper talentueux de 25 ans que j’ai découvert sur scène avec son groupe d’électro-folk, Kriill. Et c’est peu dire qu’il m’a bousculé au niveau des sons - des sons très nouveaux pour moi avec des synthés, des grosses basses séquencées, des chœurs gospel… C’est aussi le thème de la chanson Rock and Roll [ou R’N’R], dans laquelle j’évoque ma complicité artistique et amicale avec Barbara. À l’époque, un mec m’avait engueulé : « Mais qu’est-ce que tu fous, toi, le rocker, avec une chanteuse ? » Cette chanson est ma vengeance. D’ailleurs Barbara me disait souvent : « Je me demande si je ne suis pas plus rock que toi. » Elle l’était, je peux vous le garantir.
Vous étiez un enfant sage ou rebelle ?
Si j’avais voulu faire plaisir à mes parents, je ne serais pas en train de vous parler aujourd’hui. J’ai vécu jusqu’à l’âge de onze ans à Senlis où mon père était sous-préfet. J’étais solitaire, je n’avais pas le droit de voir des copains, nous étions en pleine guerre d’Algérie avec des policiers faction devant notre maison… La rébellion est venue quand mon père a été muté à Paris. Je découvre les Stones, les Beatles, Mai 68 approche et je décide de me lancer dans le rock. Il y a eu des tensions avec mon père, je me suis retrouvé à fuguer, il m’a emmené voir des psys et puis un jour il m’a dit : « Tu as gagné, j’aurais tout essayé ». Mon père possédait une vraie fibre artistique, je l’ai su plus tard. A la maison, il jouait en cachette avec sa guitare qu’il avait même accrochée dans ma chambre, peut-être pour tester mon désir. Pendant la guerre il avait été interné dans un camp en Pologne. Pour faire évader les esprits, il donnait un spectacle de théâtre avec des chansons, de la poésie… Ses anciens camarades de captivité m’ont raconté comment ce spectacle était ressenti par les prisonniers comme un symbole de résistance. J’ai beaucoup pensé à cet épisode quand j’ai joué au Bataclan lors de ma précédente tournée. Chanter La Bombe Humaine dans cette salle, c’était un gros doigt d’honneur aux terroristes. Avant de mourir, il m’a dit : « Tu fais ce que je voulais faire. » Le plus beau compliment d’un père à son fils.
Vous vous voyez sur scène à 80 ans comme Mick Jagger ?
Ah il tient la route, il fait beaucoup de sport, il n’a pas oublié les leçons de son père qui était prof de gym. Pour le moment, le corps tient, je nage beaucoup, je fais mes exercices de gym quotidiennement, je pratique aussi la méditation ; mais il faudrait peut-être que je le prenne comme coach sportif, lui qui m’appelait « ma petite bombe humaine ». Avec Téléphone, on les avait croisés au Studio Pathé-Marconi à Boulogne. On enregistrait dans le Studio A sur notre album Au cœur de la nuit. Un soir, on découvre que notre matériel a été déplacé dans le Studio B, qui était vachement moins bien, pour laisser les Stones enregistrer leur album Some Girl. On se dit : « tiens, on va voir si on sonne comme les Stones ». Et on prend tous leurs instruments pour jouer leurs classiques. Le gardien du studio était tellement content qu’il tournait autour de nous en mobylette pendant dans le studio. Ils s’en sont évidemment aperçus le lendemain, ça a un peu gueulé, ils voulaient savoir qui avait « détruit » leur matériel. Il est vrai que Richard Kolinka frappe beaucoup plus fort que Charlie Watts sur une batterie, en plus on avait siphonné leur bar ! Mais ils ne nous en ont pas voulu…
Vous n’avez jamais songé à écrire votre autobiographie ?
J’aimerais bien, mais il faudrait que je m’assoie un peu. Pour le moment je n’arrête pas de courir et puis je n’ai aucune nostalgie. Je vais de l’avant sans regarder dans le rétroviseur. On me décrit comme un éternel optimiste ; non, je suis positif. L’optimiste se voile la face en se disant : « Tout va bien se passer. » Le positif affirme : « Quoi qu’il arrive, on va essayer de faire pour le mieux. » La nuance est importante. Quant au cynisme, il nourrit l’intelligence mais assèche le cœur. Je préfère pratiquer l’ironie.
Vous êtes sensible à la nouvelle scène musicale. Vous avez enregistré l’année dernière un duo avec Vianney. Récemment vous avez repris dans une vidéo La Symphonie des Eclairs de Zaho de Sagazan. Quel regard vous portez sur le rap qui est devenue la musique la plus écoutée par les jeunes ?
Je rêve d’un duo avec Orelsan, j’en suis un peu dingo. J’adore son écriture, ses chansons toujours anglées, son humour et sa noirceur. Et puis il ose tout. J’ai adoré son film, Comment c’est loin… Je suis également très impressionné par Jul. Sur mon précédent disque, j’avais écrit une chanson, Autiste-Artiste. Pour moi, s’en est un, un vrai. Il passe sa vie en studio, il sort deux albums par ans qui sont souvent des doubles albums. Alors oui, ça peut sembler « cucu » par moment, mais il faut prendre la peine d’écouter les paroles… Maitre Gims, je le vois un peu comme le Tino Rossi du rap. Soprano me touche beaucoup, les épreuves qu’il a pu traverser, sa foi en la vie presque religieuse. C’est comme Big FLo et Oli, ils délivrent des messages ultra-positifs et les enfants adorent. Avec ces trois-là, on tient les Saints du rap français.
Et Aya Nakamura ?
Je l’ai rencontré lors d’un JT. J’avais pas mal de préjugés, donc j’ai écouté ses chansons, regardé ses clips, lu ses interviewes… C’est une femme puissante. Elle vient quand même d’une lignée de griots maliens. Tout s’explique… Je me suis dit : « Jean-Louis tu avais sans doute des idées préconçues… ». Avant de passer à l’antenne, je l’ai prise par la main. Elle m’a regardé en mode « tu plaisantes là ? », un peu comme dans sa chanson Jaja… Je me suis dit : « Oh putain… ». Et puis elle a compris que mon geste était innocent et bienveillant. Cet échange a cassé tous nos codes, moi « la légende rock », elle « la killeuse des cités ».
Vous vous décrivez comme un « cyber-troubadour » fasciné par les nouvelles technologies. Que vous inspire la révolution de l’intelligence artificielle ?
J’ai utilisé une IA pour mon dernier album. J’avais un vieux morceau enregistré sur une cassette qui remontait à l’époque de Comme un accord [2001]. Il était inécoutable mais, grâce à une IA, j’ai pu isoler toutes les pistes instrumentales, les nettoyer et leur restituer leur qualité sonore. J’ai fait comme Paul McCartney avec la chanson Now and Then de John Lennon sortie l’année dernière. J’étais tellement heureux du résultat que je l’ai mise en morceau caché à la fin de l’album. C’est une chanson ésotérique qui parle de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, comment chaque action individuelle peut changer le monde, comment chaque mot plante une graine… Sinon, je me suis amusé à demander à une IA générative d’écrire des paroles « à la manière de Jean-Louis Aubert ». J’ai été plutôt vexé. Le résultat ressemblait énormément à mon style d’écriture. Je me suis dit : « Tiens, je ne suis pas si génial que ça. » Mais vous savez quel est le contraire d’une intelligence artificielle ? C’est la bêtise humaine.
En tournée à partir du 14 février 2025.
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