La cornemuse ne résonne plus chaque matin sous les fenêtres de Buckingham Palace. La tradition séculaire – si chère à Elizabeth II – n’a pas survécu à Charles III. Dans son lit, George VII ouvre péniblement les yeux aux premières vibrations de son iPhone, le quarante-cinquième du nom. À peine réveillé, pas encore coiffé, le roi est rappelé à l’ordre par d’impérieuses notifications : « Il est l’heure, monseigneur, de publier le premier selfie de la journée », gronde le maudit appareil. Son arrière-grand-mère aimait à répéter qu’elle devait « être vue pour être crue ». Elle ne pensait pas si bien dire. Désormais, le souverain se doit de documenter sa journée, heure par heure, sur les réseaux sociaux afin de contenter ses followers… enfin, ses sujets.
Les vieux conseillers du palais n’ont pas vu d’un bon œil la récente arrivée d’un « spin doctor ». Un mec branché tout droit débarqué de Californie, lunettes de soleil et baskets dernier cri. Une ex-star de TikTok qui compte parmi ses principaux faits d’armes d’avoir transformé l’image d’Eddy et Nelson Angélil, les jumeaux de Céline Dion, devenus pop stars. « Autant dire qu’il sait ce qu’il fait », les a rassurés George VII. Il se murmure qu’il lui aurait été recommandé par celle qui fut sa tante, Meghan Markle. Après s’être séparée, non sans tapage, du prince Harry, celle-ci a refait sa vie avec un sénateur du Massachusetts qui – ô coup de chance – a été élu cinquante-quatrième président des États-Unis.
Kate à 72 ans, selon Midjourney… Longue vie à la reine ! © DR
La première trouvaille de cet expert en communication ? Un mariage royal, mais nouvelle génération. « Votre Majesté, votre oncle a bien épousé une star de série télévisée. L’idéal pour vous serait de convoler avec une influenceuse. Et pourquoi pas North West, la fille de Kim Kardashian ? » a-t-il préconisé.
Un prince quadragénaire toujours célibataire
Quarante ans passés et George VII reste désespérément célibataire. On lui a pourtant prêté plusieurs relations… même avec des garçons. Il n’était encore que prince de Galles le jour où le « Daily Mail » s’est interrogé en une : « George sera-t-il le premier roi gay ? » Tout ça parce qu’il avait été photographié à la sortie d’un club select de Londres au bras d’un mannequin de Calvin Klein, beau comme un dieu grec. Entre eux, il n’y avait eu tout au mieux qu’un baiser, mais cela avait suffi aux médias pour s’emballer.
Le lendemain, George avait été convoqué au château de Windsor par son père, William V : « Mon fils, l’époque a changé. Si tu veux épouser un homme, j’y consens. » Sa mère, Catherine, avait essayé de lui présenter quelques beautés de la bonne société, dont lady Iris Cholmondeley, fille de celle qu’on avait prétendu être – il y a de cela longtemps – la maîtresse de William. L’aristocratie a toujours été un petit monde.
Le couronnement de George VII, le fils de Kate et William, vu par ordinateur. © DR
Mais George n’avait pas envie de se marier, ni à un homme ni à une femme. Là n’était pas la question. Après tout, son homologue monégasque, le prince Jacques, était monté seul sur le trône sans que cela soulève une quelconque désapprobation.
George aurait rêvé d’une vie paisible sur les bords du Pacifique. Jamais il n’a été plus heureux que l’été de ses 19 ans, quand ses parents l’avaient autorisé à donner des cours de surf à Tahiti. Une parenthèse enchantée avant qu’il ne revienne continuer ses études d’anthropologie à Cambridge. Plombant.
Le roi est mort, vive le roi
Comme souvent chez les Windsor, le destin avait précipité les événements. Un an plus tard, le 6 mai 2033, Charles III s’éteignait dans son sommeil des suites d’une longue maladie, dix ans, jour pour jour, après son couronnement. Le règne de William V, que les chroniqueurs prédisaient long, n’aura duré que quinze ans.
Le 22 décembre 2048, alors que la famille royale se préparait à fêter Noël à Sandringham – comme le veut la tradition depuis Édouard VII –, William V avait été victime d’un accident vasculaire cérébral, duquel il était ressorti vivant mais paralysé.
Impotent, cloué dans un fauteuil roulant, il s’était résolu à abdiquer. Une première en Angleterre, où jamais un monarque n’avait renoncé au trône pour des raisons de santé.
Dernière conversation du roi William avec son fils aîné. Sur le modèle du pape Benoît XVI, il choisit de se retirer pour cause de maladie. © DR
Le 10 avril 2050, George VII est couronné. Elizabeth II avait fait entrer les caméras de la BBC dans la cathédrale de Westminster, lui y invite celles d’Instagram. Pour autant, la cérémonie ne perd rien de son sacré ni de son folklore.
Les équipes de Buckingham Palace ont même recommandé au nouveau souverain de renouer avec les fastes surannés qu’avait abandonnés son père : le public, accro aux fictions historiques diffusées sur Netflix, réclame plus d’hermine, de diadèmes et de carrosses.
Le mariage du siècle, celui de Charlotte avec un héritier du trône de France. © DR
Voilà à quoi en est réduit l’ancien empire le plus puissant de la planète : un spectacle d’opérette. D’ailleurs, la monarchie n’intéresse plus grand monde. Surtout pas les jeunes. Dans les sondages d’opinion, les partisans de la République ne cessent de gagner du terrain. Au point que l’un des leurs a posé ses valises au 10 Downing Street. Ce nouveau Premier ministre – véritable poil à gratter – ne s’incline même pas devant Sa Majesté quand il se présente pour leur tête-à-tête hebdomadaire. Tout se perd.
Avec Louis, le benjamin, l’espoir d’une fratrie sans histoires partira-t-il en fumée ? © DR
Un prince exilé, un autre de retour
« Eh bien, qu’il l’abolisse cette monarchie s’il l’exècre autant », s’est un jour emporté George VII lors d’un déjeuner familial à Balmoral. Cette seule idée a glacé d’effroi la reine mère, Catherine.
Elle, la roturière qui a voué sa vie à la Couronne, dans les joies comme dans les peines. Son si fragile petit cœur ne méritait pas de telles frayeurs. Il avait déjà assez souffert quand, en 2042, le prince Louis, rebelle de la fratrie, avait décidé de tout plaquer pour ouvrir une boutique de CBD à Copacabana.
Pour s’en justifier, il avait cité son oncle Harry qui, en 2020, avait lui aussi rompu avec la Firme. Un mauvais exemple puisque depuis le duc de Sussex a déchanté. Il est rentré au pays et dans le rang.
Désormais, il gère le domaine de Highgrove, ancienne propriété de son père, et ne rate pas une célébration officielle. Comme pour rattraper le temps perdu. Ses enfants, le prince Archie et la princesse Lilibet, ont eux aussi quitté les États-Unis pour prêter main-forte à la Firme.
George aperçu avec un mannequin de Calvin Klein. © DR
Le Commonwealth s’est réduit comme peau de chagrin. Sous Charles III, puis William V, la plupart de ces royaumes lointains ont pris leur indépendance. L’Australie, le Canada, la Jamaïque, la Papouasie. Tous sont devenus des républiques. Seul l’archipel des Tuvalu a voulu garder George VII pour chef d’État, mais celui-ci n’a jamais daigné y mettre les pieds. Quant au Royaume-Uni, il s’est lui aussi dispersé, voyant l’Écosse puis l’Irlande du Nord obtenir leur autonomie.
Quel legs laissera George VII ? Et à qui ? La question est sur toutes les lèvres. Si, à sa mort, le roi n’a pas de descendant, sa sœur, Charlotte, devra lui succéder. Malgré un âge qui sera certainement avancé. Au fil des décennies, l’unique fille du roi émérite William V et de la reine mère Catherine est devenue un modèle de vertu.
De mémoire de royal watcher, on n’avait pas vu membre de la Firme si zélé depuis Anne, dont Charlotte a hérité du titre de princesse royale, en plus de son incroyable dévouement à l’institution. On se souvient d’elle, encore enfant aux funérailles d’Elizabeth II en 2022, donnant une leçon de maintien à son grand frère : déjà si flegmatique, déjà si protocolaire.
Harry ressemble étrangement à son père. Et si le mouton noir de la famille royale se rachetait une conduite? © DR
Le 24 juin 2046, la princesse Charlotte a épousé Gaston d’Orléans, comte de Paris et prétendant au trône de France, en la cathédrale Saint-Paul de Londres. « Le mariage du siècle », s’est-on enthousiasmé des deux côtés de la Manche. Si l’expression a été rebattue au fil des décennies, elle traduisait cette fois parfaitement la magnificence du moment.
L’année suivante, le couple a accueilli un petit garçon, Arthur, puis deux ans plus tard une fille, Diana. Ultime hommage à cette princesse tant pleurée au siècle passé, mais qu’aujourd’hui beaucoup ont oubliée. Parmi ses parrains et marraines, le prince Arthur compte George VII, dont on dit qu’il est très proche. Le roi aurait appris à son neveu – et probable successeur – à monter à cheval et à jouer à la console. Un passage de témoin comme un autre.
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