La misandrie, la haine des hommes

Qui sont ces femmes qui assument de ne pas aimer les hommes ? La misandrie est-elle vraiment l’exact contraire de la misogynie ? Ou bien est-ce plus complexe que cela ?

Avec Pauline Harmange, écrivaine et féministe, autrice du livre Moi, les hommes, je les déteste, paru en 2020 au Seuil.

La misandrie, conflit de définitions

Pour chercher l’origine de ce mot, Cyril Laccarière convoque Colette Pipon, historienne et autrice de Et on tuera tous les affreux, le féminisme au risque de la misandrie, paru en 2013. D’après elle, le terme est apparu dans le dictionnaire dans les années 1970, à la faveur d’un mouvement social féministe et de luttes contre le patriarcat. Misandrie comme un miroir de la misogynie. Mais si le terme est apparu il y a plus de 50 ans, c’est plus récemment qu’il est véritablement devenu plus visible. Il n’est pas courant, mais est utilisé et repris par les militantes féministes, notamment l’écrivaine Chloé Delaume qui a écrit sur la misandrie dans son tout premier roman, Les Mouflettes d’Atropos, publié en 2000 aux éditions Farrago. Sur le site de la romancière, on peut lire : « Face à une société phallogocentriste, viciée jusqu’à la langue, l’héroïne songera à mettre en pratique le Scum Manifesto de Valérie Solanas et divers ingénieuses techniques de castration, qui auraient pu lui valoir le Concours Lépine si elle n’en avait fait de la littérature. »

Pour Chloé Delaume, la misandrie n’est pas à prendre au pied de la lettre : « Ce n’est pas la haine de l’homme au sens essentialiste, ce n’est pas non plus la haine et le mépris d’une personne physiologiquement masculine, c’est la haine et le mépris du comportement patriarcal. » La misandrie serait une réponse de survie, de défense face aux violences masculines. Pauline Harmange partage cette conception de la misandrie. Avec cette définition, elles s’opposent donc à la définition que donne le dictionnaire Le Robert : « La misandre est une femme qui a de la haine ou du mépris pour les hommes. »

Alors qu’est-ce qu’une misandre ? Est-ce un juste retour des choses ou le risque de toujours plus de tensions, de rejet et de violence ? Comment dénoncer tout un système sans y inclure tous les hommes ? Qui est misandre ? Pourquoi le devient-on ?

Misandrie versus misogynie

Pauline Harmange rappelle que les hommes qui détestent des femmes, ça aboutit à des violences, à des meurtres, à des viols, alors que les femmes qui détestent les hommes, ça n’a jamais abouti à un décès. Elle ajoute que toutes les femmes sont victimes de violences sexistes et sexuelles à des points divers et variés. Elle explique : « C’est aussi symptomatique de se rendre compte que face à une tuerie revendiquée misogyne, le premier réflexe de certains est de se dire ‘non, certainement pas moi’. Il faut replacer le phénomène systémique de la violence qui est énorme et qui écrase toutes les femmes du monde entier avec l’ego masculin qui est extrêmement fragile.« 

Le problème du terme misandrie, c’est qu’il est mis en miroir, en symétrique de misogynie. Hors la misogynie est toujours condamnable. La misogyne, ce n’est pas pour appeler les femmes à réfléchir à quoi que ce soit. Pour l’invitée : « C’est intéressant d’aller réfléchir et de creuser sur ce qui peut amener des femmes à être en méfiance et à être en rejet des hommes en général et de leurs comportements. C’est une réflexion, une pensée, ce n’est pas un comportement général. On ne voit pas les femmes misandres être violentes envers les hommes au quotidien. » Pour elle, il faut vraiment réussir à mettre en balance la vie des femmes et l’ego des hommes.

Il n’y a pas que les femmes qui souffrent du patriarcat, comme elle l’explique : « Le système patriarcal fait énormément de mal aux femmes et aux personnes en minorité de genre, mais en fait les hommes en souffrent aussi, en étant obligés de devoir performer une virilité dans un système de domination. Je souhaite à tous les hommes d’avoir envie de s’extraire de ça, et d’essayer de trouver une manière d’être homme qui ne fasse de mal à personne. »

Une réappropriation par les féministes

Pauline Harmange explique que pendant longtemps, ça a été vraiment une insulte lancée à la tête des féministes et des lesbiennes qui refusaient cette importance du regard masculin. « Ils disaient : ‘De toute façon votre avis n’a pas d’intérêt parce que vous n’aimez pas les hommes, vous ne voulez pas vivre en société.’ Mais à un moment donné, on peut se dire : pourquoi pas ? Pourquoi ne pas détester les hommes au regard de tout ce qu’on sait sur les violences masculines ? »

Pour elle, « une fois qu’on se détache du regard masculin et de l’importance des hommes dans notre vie personnelle, c’est hyper libérateur. De se dire : je n’ai pas besoin que tel ou tel homme valide comment je parle, comment je me conduis. Je suis une personne complète et je n’ai pas besoin des hommes pour m’épanouir. Et parfois, il y a besoin de ce mouvement de rejet en fait. Les hommes en général font vachement de mal dans la société, dans mon entourage, à moi-même, et si je me détache de ce regard-là, de cette importance-là, en fait je peux découvrir des facettes de moi que je ne connaissais même pas. »

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