Mbappé, Deschamps, Zidane… Les confidences d’Olivier Dacourt au JDD

« Impatient ! » Olivier Dacourt a beau multiplier les activités professionnelles et familiales, il ne boude pas son plaisir à l’heure de démarrer une saison continentale pas comme les autres sur Canal+ : le groupe est désormais l’unique diffuseur français des Coupes d’Europe, avec un dispositif exceptionnel.

De sa voix calme, l’ancien joueur de Leeds et de la Roma aux 21 sélections en équipe de France évoque Brest, qui va faire ses grands débuts (« C’est magique »), le PSG de Luis Enrique (« J’aime sa personnalité »), Kylian Mbappé et les Bleus avant que la conversation ne bifurque vers Zidane, son admiration pour le jeu espagnol… puis ne s’extraie carrément du ballon rond pour parler cinéma, foi chrétienne et vie de famille. Une personnalité à part, libre et attachante.

Le JDD. Pour nous, Français, cette saison en Ligue des champions est celle du passage du capitaine des Bleus Kylian Mbappé du PSG au Real Madrid, qui entre en scène mardi face à Stuttgart. Comment avez-vous vécu son arrivée en Espagne ? 

Olivier Dacourt. Qu’on aime ou pas l’homme, le joueur de foot est incontestable. Il a battu tous les records avec Paris et méritait une meilleure sortie. Pour progresser – parce que je trouve qu’il a arrêté de progresser –, il aurait dû partir avant. Quand on reste autant de temps dans un club, une routine s’installe, on travaille moins, les gens sont beaucoup plus indulgents… La meilleure période de Mbappé au PSG selon moi, c’était avec Messi et Neymar, parce qu’il voulait prouver aux deux autres qu’il était le meilleur. La saison passée, ce défi n’existait plus.

Au Real Madrid, il sera servi…

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Il arrive dans un immense club où les mecs ne sont pas là pour lui faire de cadeaux. Je dis souvent que le football, c’est le sport collectif le plus individuel. Mais il a tellement de qualités… Laissons-le digérer tout ça, le transfert, le nouveau contexte, la concurrence. Il parle déjà super bien la langue, ce qui va réduire son temps d’adaptation. Partir à l’étranger, ce n’est jamais anodin, mais je ne suis pas inquiet pour lui.

Kylian Mbappé est le capitaine d’une sélection de plus en plus contestée pour le manque d’émotions qu’elle procure malgré la victoire, lundi, face à la Belgique (2-0). Mauvaise passe ou fin de cycle ? 

Même si c’est une mauvaise passe, elle est allée en demi-finale de l’Euro. Il y a de la qualité dans cette équipe. Ce que fait Deschamps, depuis tout ce temps, c’est admirable. Après, si on aime le jeu, on peut être un peu frustré. J’entends les critiques mais il faut savoir ce qu’on veut…

« Si on veut des résultats, oui, Deschamps est l’homme de la situation »

Avoir à la fois les émotions et le résultat, c’est impossible ?

On est obligé de faire des concessions. Certains entraîneurs font bien jouer leur équipe, mais ils n’ont pas de résultats. Alors, on garde quoi ? Sans résultats, on va dire que l’entraîneur n’est pas bon et que, finalement, la qualité du jeu n’est pas prioritaire. Deschamps est pragmatique. N’oublions pas que c’est l’entraîneur français qui a tout gagné. Qu’on aime ou pas son jeu, les résultats sont là.

Reste-t-il l’homme de la situation pour la Coupe du monde 2026 ?

Si on veut des résultats, oui, c’est l’homme de la situation.

Pensez-vous que le foot français ait un bel avenir devant lui si l’on considère son évolution ces derniers mois, la baisse des droits TV, la réélection de Vincent Labrune à la tête de la LFP ?

Je ne vais parler que de ce que je connais, les joueurs. Les nôtres jouent dans de grands clubs. Nous étions en demi-finale de l’Euro, en finale des Jeux olympiques et des moins de 19 ans. La formation se porte bien en France. Mais on devrait aussi regarder l’Espagne, parce qu’elle a tout gagné cette année contre nous. Elle est aujourd’hui meilleure que nous. On a peut-être des choses à apprendre d’elle. C’est bien d’être costaud physiquement, mais la base de tout, c’est la qualité technique. Si on veut savoir lire, il faut connaître son alphabet ; le foot, c’est pareil. Les Espagnols insistent sur ce qu’ils savent faire : la technique, l’intelligence de jeu, le caractère. C’est un bel exemple.

En parlant d’Espagne, de jeu et de technique, avez-vous des nouvelles de votre camarade de promotion 2014 au Centre de droit et d’économie du sport à Limoges, Zinédine Zidane ?

On s’est croisés, récemment. Il prend son temps, « ZZ » (sourire). Mais c’est l’une des choses importantes qu’on a apprises à Limoges : le diagnostic. Avantages, inconvénients. Si l’on voit que les inconvénients dépassent les avantages, c’est voué à l’échec. Il a appris ça et je pense qu’il pèse toujours le pour et le contre. Quand on voit ce qu’il a réalisé, on a besoin d’un entraîneur comme lui, y compris humainement. Si les joueurs du Real l’appréciaient tant, c’est qu’il doit faire du bon travail.

Vous avez joué en Angleterre, à Leeds notamment, mais vous êtes surtout resté très populaire en Italie : à la Roma où vous avez joué plus de trois saisons, comme à l’Inter Milan, où vous avez enrichi votre palmarès…

Avec l’Inter, j’ai été champion dans une équipe exceptionnelle mais la Roma… (il souffle). C’est Marseille, en pire, si l’on peut dire. Tu gagnes ? Tu ne peux pas vivre. Tu perds ? Encore moins. C’est invivable (rires). À l’Inter en 2006, c’était fantastique parce que ça faisait dix-sept ans qu’ils n’avaient pas gagné le titre, mais, deux jours après, c’était terminé. À la Roma, ils l’avaient fêté pendant six mois ! Ce n’est pas un club comme les autres.

Quand l’Italie a battu la France vendredi dernier, une part de vous était-elle heureuse ? 

Non, jamais ! Je suis Français et fier de l’être. J’étais même dégoûté parce que je reçois 10 000 messages quand on perd. Ils adorent ça, les Italiens (rires).

À l’évocation de tous ces anciens coéquipiers qui sont encore « dans la machine », appréciez-vous votre place de consultant, un peu à l’écart ?

Oui, totalement. C’est voulu. Je préfère faire des documentaires et je viens juste de réaliser mon premier long métrage qui sortira en salles en 2025. Nous sommes en plein montage.

L’histoire du film tourne-t-elle autour du football ? 

Non, elle n’a rien à voir. Pour moi, il y a comme une continuité : j’ai fait quatre documentaires qui ont « cartonné » pour Canal+. J’ai eu envie de m’essayer au cinéma. Je reste un compétiteur, je suis autodidacte, j’apprends, c’est un enrichissement.

« La foi te permet de relativiser beaucoup de choses »

Vous qui êtes également un grand amateur et collectionneur d’art contemporain, allez-vous vers un cinéma d’auteur exigeant ou grand public et plus léger ?

On peut faire les deux. J’ai envie de raconter de belles histoires. De la fiction, mais avec un côté réel. J’aime raconter la vie, en fait. Dans mes docs, il y a beaucoup d’émotion. Ce premier long métrage tournera autour de ça, la sincérité, la transmission, la famille.

La sensibilité qui est la vôtre vient-elle aussi de votre foi chrétienne ?

La religion t’enseigne la bienveillance, le courage. Si tu as peur de Dieu, tu ne feras pas de mal à ton prochain, tu seras humble ; comme tu es venu, tu repartiras. La foi te permet de relativiser beaucoup de choses. J’ai cinq enfants et un petit-fils depuis trois mois. Grand-père, c’est une joie incommensurable. J’ai vu ma fille porter la vie. C’est pour ça que je fais ce long métrage, pour mon petit-fils et les prochaines générations. Le plus grand héritage que tu laisses à tes enfants, c’est l’éducation et le respect. Deux passeports pour la vie.

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Par Joseph GARCIA

Responsable édition

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