Dans son premier roman intitulé « Parfois l’homme », Sébastien Bailly nous raconte tout simplement la vie d’un homme, de la naissance à la mort. Un récit chronologique qui explore, par un jeu de fragments numérotés, le destin tout tracé d’un type ordinaire de notre temps.
Il aurait pu être bon, brute ou truand. Mais l’homme en question n’est rien de tout cela. Tout juste un type ordinaire, précipité dans la vie à l’ère de la mondialisation désenchantée. Dans « Parfois l’homme », son premier roman, Sébastien Bailly retrace la vie banale d’un homme de notre temps, de sa naissance à sa mort.
La perspective romanesque, consistant à embrasser l’ensemble d’un destin, n’a rien de bien singulier. La manière, elle, détonne et ravit. Admirateur de Georges Perec, journaliste informatique et auteur d’anthologies consacrées à l’humour (« Les mots pour le rire », « Les zeugmes au plat » aux éditions Mille et une nuits), Sébastien Bailly joue avec fantaisie des hasards et embranchements qui jalonnent le parcours d’un quidam occidental plutôt bien né.
La multitude des possibilités a quelque chose de paralysant. Pourquoi choisir? L’homme voudrait tout faire, ne renoncer à rien.
Décortiquer les aberrations de notre société
Dès sa naissance au chapitre 001, l’homme qu’on rencontre fait face à de multiples possibilités. Inspiré par les fameux « Livres dont vous êtes le héros », le romancier français numérote ses fragments comme autant de chemins qu’emprunte avec plus ou moins de bonheur son sujet d’étude. Très vite, pourtant, la multiplicité des destins s’amenuise, à mesure que l’homme se conforme aux standards d’une vie de bourgeois lambda.
Ecrit au présent pour nous faire vivre en simultané ce destin mené tambour battant, « Parfois l’homme » se présente comme un récit d’aventures dans lequel chaque étape de vie confronte l’homme aux attentes de la société moderne. Souci du détail, drôlerie de situations qu’on a toutes et tous pu rencontrer dans notre quotidien, la plume malicieuse de l’auteur décortique de manière impitoyable les aberrations de notre société consumériste.
Parmi tous les métiers que j’ai exercés, j’ai été journaliste pendant 25 ans. J’ai beaucoup observé, beaucoup rencontré de gens, et dans ce livre, il y a tout cet apport-là, toutes ces rencontres avec des hommes et des femmes que j’ai pu croiser et qui nourrissent cette aventure.
Une ironie caustique
Car l’heure est au désenchantement. Par le truchement d’une ironie caustique, Sébastien Bailly montre à quel point ce chemin banal est aussi le lot de la majorité dans un monde où de nombreux paramètres induisent une perte de sens: travail déshumanisé, surproduction stérile, trivialité de l’engagement politique. Le raccourci de cette vie simple a les accents d’un requiem pour une humanité au bord du vide.
Reste alors l’humour d’une écriture au ton faussement docte, dans laquelle se logent des aphorismes dignes d’un Woody Allen, comme celui-ci: « L’homme est seul, la vie n’a aucun sens, mais il faut de la litière pour le chat. »
Nicolas Julliard/aq
Sébastien Bailly, « Parfois l’homme », ed. Le Tripode, février 2024.
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