Il a manqué d’être kidnappé en Somalie, a échappé à la mort en Haïti et même à un guet-apens sur les rives du fleuve Congo. Depuis plus de quarante ans, le photographe nourrit les pages des magazines internationaux les plus prestigieux – dont Paris Match – de ses histoires au long cours.
Pascal Maitre aurait pu choisir la plume. Il s’est saisi d’un boîtier pour raconter le monde : l’Afghanistan, pays charnière de l’histoire contemporaine – qu’il couvre depuis 1985 et où il fut le dernier à photographier les bouddhas de Bamiyan avant leur destruction par les talibans –, la radicalisation islamiste des Peuls du Sahel, qu’il a vus sombrer dans l’intolérance et la guérilla, ou encore les enjeux écologiques de la production de charbon, « l’or noir des pauvres ».
Le photojournaliste Pascal Maitre. Eric Garault / Pascoandco / © Eric Garault / Pascoandco
Cette exposition nous entraîne en 190 photographies grand format – dont un tirage unique de 17 mètres de long – et quelques vidéos dans le sillage d’un infatigable reporter. « C’est sans fin, sourit le bientôt septuagénaire quand on lui demande s’il n’est pas tenté d’arrêter. Dès que j’ai une histoire, ça repart ! » Pascal Maitre ne sait dire combien de pays il a parcouru mais il a probablement passé plus de temps en avion qu’en famille.
Sous le charme de l’envoûtant Afghanistan
C’est à un oncle d’Amérique qu’il doit sa passion pour la photographie. Il faut dire que Pascal Maitre est né en 1955 à Buzançais, dans le Berry, au pays des sorcières. Non loin de là, à Châteauroux, s’est installée après-guerre une base aérienne américaine. Ses deux tantes paternelles épousent de beaux Yankees. L’un d’eux va lui offrir un Rolleiflex 4 x 4, un « objet rare ». L’adolescent agité devient assidu du club photo du coin. Il échoue à 16 ans à l’épreuve du bac. Le surveillant général, qui l’a néanmoins remarqué, lui offre une place de pion pour le canaliser. Déjà, l’envie de voir du pays taraude le jeune Berrichon.
À Allankpon, au Bénin, en 2017. © Pascal Maitre
« À 18 ans, au lieu de ne rien faire pendant ces mois d’été où j’étais payé, je suis parti en Inde et j’ai fait des photos. Rebelote l’année suivante en Amérique du Sud. De son long périple en Asie centrale en 1976, où il tombe sous le charme de l’envoûtant Afghanistan, le jeune homme se forge une vocation et une petite réputation. Il arrête des études de psychologie, peu exaltantes et, après son service militaire à l’ECPA, le service photo des armées, fait du porte-à-porte pour vendre des encyclopédies.
« Un jour, j’apprends que le magazine “Jeune Afrique” aurait besoin de photographes. Je les contacte. » Amin Maalouf, le rédacteur en chef, le reçoit et l’embauche. « Ç’a été une école formidable, se réjouit Maitre aujourd’hui. Quand tu es amateur, tu fais les photos que tu veux, mais quand tu deviens pro, c’est différent. J’ai eu la chance de partir en Afrique avec des journalistes locaux qui connaissaient tout le monde, du mec de la rue aux dirigeants politiques. Je ne suis pas passé par le filtre occidental. Ça m’a donné une approche plus directe. Ce continent, ça me parlait. » Pascal a grandi dans une famille de paysans aux traditions ancestrales, proches du monde rural africain. Son grand-père était guérisseur et son père, maréchal-ferrant. « Mais ça se serait appelé “Jeune Chine”, je serais devenu spécialiste de la Chine », s’amuse-t-il.
Dans la mosquée de Chindawol, à Kaboul, Afghanistan, en 1992. © Pascal Maitre
Ses missions pour le groupe de presse l’entraînent entre autres à couvrir la guerre du Tchad ou à interviewer Bokassa. Une solide formation qui l’encourage vite à prendre son envol en free-lance. En 1984, Alain Mingam, directeur de l’agence Gamma, le repère et l’intègre à son équipe de reporters. « Mes plus belles années ! » Pascal se démarque de ses pairs par son approche de la lumière et par la rigueur de ses cadrages. « À l’époque, on nous appelait un peu péjorativement les “magasiniers”, parce qu’on faisait des reportages au long. La couleur, je l’utilise plus comme élément de créativité que d’illustration. C’est la base de ce qui m’intéresse. »
En 2009, Kodak arrête de produire la Kodachrome 200 au grain si particulier. « C’est comme si on enlevait à un peintre ses pigments. Je n’avais plus les films. C’était dramatique pour moi. Mais, aujourd’hui, libéré des contraintes de l’argentique, je ne reviendrais plus en arrière. » Crise de la presse oblige, il doit aussi désormais se tourner vers des fonds privés pour financer ses projets, comme son travail sur le manque d’électricité en Afrique soutenu par le prix AFD/Polka. L’homme n’en reste pas moins journaliste. « Je me sens plus storyteller que photographe. Ce qui m’intéresse, c’est l’humain… et raconter des histoires. »
«Pascal Maitre. Lorsque la photo raconte le monde», jusqu’au 5 mai, à la Villa Tamaris, à La Seyne-sur-Mer (Var © DR
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