Rendez-vous avec Yves Jobic : « Quand j’étais flic, on avait une mentalité de chasseur, pas de fonctionnaire

On l’appelait « Le Petit Prince » ou « Yvan le Terrible ». Yves Jobic est l’un des rares policiers à avoir été affublé d’un surnom, ceux-là sont d’ordinaire réservés aux voyous du grand banditisme. Est-ce à force de les côtoyer ? Ces « beaux mecs », comme les surnomment les policiers, le commissaire Jobic a passé sa vie à les traquer. Il est l’un des rares à avoir pénétré leur quotidien, le « Paris by night » des années 1980, dans lequel il a tissé un puissant réseau d’indics. Désormais retraité, à 65 ans, celui qui a notamment arrêté l’un des frères Hornec raconte sa carrière romanesque dans Les secrets de l’antigang* (Plon).

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Le commissaire donne rendez-vous au Point dans un restaurant libanais du 16e arrondissement de Paris, assis face à la porte, l’œil alerte derrière ses fines lunettes rondes. Une habitude du terrain ? C’est là, au cœur du triangle d’or parisien, que le policier Jobic a connu sa période faste. En 1983, à la tête de la 1re Division de la police judiciaire (DPJ), compétente sur les 8e, 16e et 17e arrondissements, son groupe interpelle plus de 1 300 délinquants en quatre ans. Un rythme effréné dû aux méthodes « offensives » de la police judiciaire de l’époque, qui n’ont plus cours aujourd’hui.

Sorti lauréat de la fac de droit de Bordeaux – dont il a conservé un léger accent du sud-ouest – puis major de sa promo à l’école des commissaires, ce breton d’origine a rejoint la police pour « l’arrestation de malfaiteurs, si possible de bon niveau ». À Paris, il est servi. Entre 1981 et 1983, les autorités s’inquiètent d’une explosion de 45 % de la délinquance dans la capitale.

Coups de calibre

Les équipes d’Yves Jobic décident alors de quadriller les bars, les cabarets et les hôtels du 17e, fréquentés par les voyous. Le commissaire, très investi, plonge dans le monde interlope des dealeurs, receleurs et autres proxénètes. Leurs journées de « travail » débutent dans l’après-midi et s’achèvent à l’aube.

À l’époque, les caméras de vidéosurveillance n’existent pas. Les coups de calibre ne sont pas rares dans les bars. Encouragés par leur hiérarchie, les policiers surgissent dans la nuit, contrôlent les clients et saisissent des armes, des faux papiers ou de la drogue dans les épaisses vestes des voyous et les tiroirs de leurs chambres d’hôtels miteuses. « On avait une mentalité de chasseur, pas de fonctionnaire, avec une grande autonomie et une hiérarchie souple », se souvient Yves Jobic, un brin nostalgique.

Ces méthodes leur permettaient non seulement de faire « tomber » les bandits, mais aussi de recruter de précieux indicateurs, comme les tenanciers de ces bars douteux, menacés de fermeture administrative s’ils ne coopéraient pas. « C’est comme ça que Leïla Braka, (NDLR : qui veut dire canard en arabe, « car elle marchait de travers »), la patronne de la Crêperie bretonne du 17e, a accepté de nous rencarder en échange d’une autorisation d’ouverture toute la nuit, explique Yves Jobic. Si on additionnait les peines de ses clients, il y en avait pour 500 ans de prison ! »

Le soir, dans les bouges parisiens, Yves Jobic s’accoude au comptoir, pour cerner les forces en présence et se mettre dans leur peau. « Tant qu’on ne leur faisait pas de coup tordu, il existait une forme de respect avec les voyous, une règle du jeu », se souvient-il. Le commissaire emmagasine les numéros des indics, tel un journaliste avec ses sources. « Il fallait pouvoir leur répondre à n’importe quelle heure, même la nuit, même en vacances. Un indicateur doit rapporter beaucoup plus que ce que la police peut lui apporter. C’est le policier qui manipule l’indic, et non l’inverse. »

Mes meilleures indics étaient des femmes

Le renseignement humain, au cœur de son travail, est devenu sa marotte. Encore aujourd’hui, plusieurs chefs de BRI de province lui demandent des conseils en la matière. En échange de coups de pouce sur un titre de séjour ou un allègement de peine, le commissaire récoltait des informations en or sur le grand banditisme. « Mes meilleures indics étaient des femmes, confie-t-il. Elles sont plus observatrices que les hommes et reçoivent les confidences sur l’oreiller. Alors, quand il y a rupture c’est du pain bénit… »

À LIRE AUSSI Corinne Maier : « C’est aux femmes de faire bouger les choses ! » Son indic le plus impressionnant se faisait appeler « Djamal ». Un voleur de bijoux par ruse au talent de magicien. « Il est né dans la caravane d’un bidonville de la banlieue de Rome, pourtant il parlait sept langues, se rappelle Yves Jobic. Il a aidé à résoudre une affaire majeure, alors il est venu au 36. Mes chefs lui ont demandé son avis sur le milieu parisien, il leur a fait un exposé à la Sciences Po ! Ils étaient scotchés… »

Bienvenue en « Absurdistan »

En 1987, une affaire invraisemblable stoppe net l’ascension du commissaire Jobic. Alors qu’il intervient en faveur d’un indic, il entre dans le collimateur du juge Jean-Michel Hayat, persuadé de son implication dans un réseau de proxénétisme. Le juge récolte les témoignages à charge de voyous et de prostituées écœurés de s’être fait pincer par le commissaire. Malgré des récits « délirants », Yves Jobic est mis en examen et placé en détention en juin 1988 pendant 17 jours. « J’ai vécu en Absurdistan », hallucine-t-il encore. Au procès, l’accusation s’effondre. Jobic est blanchi puis réhabilité dans la police. Dans son réquisitoire, la procureure ira même jusqu’à faire l’éloge de sa gestion des indics. « Quels résultats la société peut-elle attendre d’un policier s’il reste dans son bureau ? » s’interroge-t-elle.

Ce coup monté lui vaudra un nouveau surnom : Edmond Dantès, comme le personnage emprisonné du Comte de Monte-Cristo. Cette mésaventure ne l’empêchera pas d’accéder à la tête de l’antigang (actuelle BRI, Brigade de recherche et d’intervention), un service parisien d’élite focalisé sur les « beaux mecs ». Il y fait interpeller une centaine de braqueurs à une époque où ils pullulent. L’antigang d’Yves Jobic est le premier service à exploiter les fadettes téléphoniques grâce à l’un de ses agents, Stéphane Griot Des Fontaines, rebaptisé Stéphane Griot « Des Fadettes ». L’antigang parvient pour la première fois à mettre sur écoute le portable d’un voyou, en l’occurrence Marc Hornec, interpellé en 1996 dans le parc Euro Disney alors qu’il se trouvait en cavale.

SON DIMANCHE IDÉAL : Depuis qu’il est à la retraite, l’ex-grand flic peut profiter davantage de sa famille et de ses amis qu’il retrouve autour d’un bon repas. Il consacre son dimanche soir à la lecture.

Mais l’âge d’or n’est pas éternel. À la tête de la maison police, les mentalités changent avec l’arrivée de nouveaux patrons dans les années 2000, plus frileux à l’idée que les « bleus » se mêlent aux voyous. L’antigang devient la BRI, une unité d’appui dépossédée de ses propres enquêtes. Au grand dam d’Yves Jobic, qui flaire « la fin d’un monde ». Le commissaire quitte le service d’élite en 2001 pour finir sa carrière à l’Inspection générale de la police nationale.

Il ne connaîtra pas le déménagement du Quai des Orfèvres au Bastion, les nouveaux locaux de la PJ dans le 17e, – « résultat, raille-t-il, de l’accouplement d’un hôpital et d’une prison ». Yves Jobic déplore aujourd’hui l’aseptisation de la police, la bureaucratisation galopante qui n’a plus grand-chose à voir avec la chasse au renseignement des années 1980 sous les néons des bars parisiens.

Aujourd’hui, la PJ est aveugle et sourde. Pourtant, elle n’a pas de boule de cristal !

L’ex-grand flic vit aujourd’hui une « retraite heureuse » avec « le sentiment du devoir accompli ». Il n’a pas pour autant tourné complètement la page, et se tient au courant de tout. Jobic aurait d’ailleurs des conseils à revendre si Beauvau le lui demandait. Pour lui, le policier doit se spécialiser, « car le monde des braqueurs, des dealers ou des receleurs n’est pas le même ». Il doit aussi glaner du renseignement humain au quotidien, exploité par les moyens technologiques actuels. « Aujourd’hui, la PJ est aveugle et sourde, déplore Yves Jobic. Pourtant, elle n’a pas de boule de cristal ! Si les Anglo-Saxons appellent le renseignement « intelligence », ce n’est pas pour rien. Mais pour certains, des flics qui parlent à des voyous, c’est louche… »

Sa dernière inquiétude en date : la réforme territoriale de la police, en vigueur depuis le 1er janvier. Elle risque d’aspirer les enquêteurs de police judiciaire vers des dossiers plus banals pour aider les policiers de voie publique à les absorber. « Une erreur catastrophique pour la sécurité des Français, s’alarme l’ex-commissaire. L’échelon départemental n’est pas du tout adapté à la lutte contre le crime organisé. C’est comme si on demandait au policier de boxer contre un voyou les mains dans le dos… On privilégie la délinquance du quotidien pour satisfaire le politique. C’est un cadeau inespéré pour le crime organisé en France, à tel point qu’un de mes anciens indics m’a dit : « Yves, ça va être open bar ! » ». Et ses indics l’ont rarement trompé.

* Les secrets de l’antigang, Flics, indics et coups tordus (Plon), vient d’être réédité en poche chez Pocket.

L’écrit initial est réédité de la manière la plus honnête que possible. Pour toute observation sur ce sujet concernant le sujet « men chastity », veuillez utiliser les coordonnées indiquées sur notre site web. sexymendirectory.net vous a préparé ce post qui débat du sujet « men chastity ». sexymendirectory.net est une plateforme numérique qui globalise diverses infos publiées sur le web dont le sujet de prédilection est « men chastity ». Il y a de prévu plusieurs articles sur le sujet « men chastity » dans quelques jours, nous vous invitons à consulter notre site web aussi souvent que possible.

Par Joseph GARCIA

Responsable édition

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