Il ne cache pas son regard derrière des lunettes noires, contrairement à son père. Mais il est tout aussi pudique. Depuis la disparition de sa mère, c’est la reconnaissance, et non la tristesse, qui reste la note dominante de son deuil. «Tu ne dois rien annuler pour moi. Tu dois travailler, la vie doit continuer», lui avait confié Françoise avant de s’éteindre, le 11 juin dernier. Thomas l’a prise au mot. Son cinquième album solo, « Il n’est jamais trop tard », est intime et entêtant. Il n’a qu’un seul regret : que sa mère n’ait pas pu l’écouter. Avec nous, il se remémore leurs moments de joie, ses derniers mois et leurs derniers mots.
Paris Match. La dernière fois que vous avez pris la parole, c’était pour défendre le disque retraçant votre tournée commune avec votre père. Celle-ci s’était terminée sur un petit air d’inachevé…
Thomas Dutronc. Oui, j’ai été un peu triste qu’il décide d’arrêter si vite. Nous avions des dates prévues en 2023, mais il a eu peur d’être fatigué. Donc notre dernier concert s’est tenu à Paris en décembre 2022. Les tournées, à son âge, c’est un défi. Il n’a pas voulu de tourbus, par exemple. Il voyageait dans une camionnette avec des fauteuils de dentiste et une lumière rouge ! En grand inquiet, comme ma mère, il se déplaçait avec onze valises : une pour son appareil pour les cordes vocales, une autre pour ses décodeurs télé, plus les boîtes de cigares, les chaussures… Forcément, déménager tout ça de ville en ville, ce n’était pas simple. Au fond, il a vécu le truc comme dans les années 1960, quand les mecs partaient avec leur voiture et leur sono dans le coffre. [Il rit.] Enfin, bon, les tournées n’ont jamais été le fort de mes parents.
Il ne voulait pas chanter avec vous, paraît-il…
Il trouvait cela trop conventionnel… Ça m’a un peu vexé, parce que c’était quand même le concept et ce pour quoi les gens avaient acheté des billets. Mon père, de toute façon, se pose beaucoup trop de questions. Il gamberge en permanence. Mais il a un tel charisme qu’il a donné le change. Plus que ça, même, il a fait rire tout le monde avec ses vannes. Et il a fini par accepter de chanter avec moi.
Cela vous a permis de clore un chapitre de votre vie et de vous lancer dans ce nouvel album plus intime ?
Ça a été une parenthèse merveilleuse. Mais je pensais depuis longtemps à ce nouveau disque, car mon troisième album avait moins bien marché. J’étais moins dedans, je vivais des complications amoureuses. Pour celui-ci, il me fallait me renouveler, progresser. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler les textes. Puis aussi, évidemment, j’ai vécu des choses et j’ai plus eu envie de les raconter, sans mièvrerie, simple et humble. On gagne toujours à rester soi-même.
Sur deux titres, vous clamez votre amour pour votre compagne. D’autres sont des chansons de rupture…
Plus jeune, j’ai vécu des expériences romantiques assez fortes, il m’est arrivé d’y perdre des plumes. Disons que, comme ma mère, quand je tombais amoureux, j’étais persuadé que ça ne pouvait que marcher. Et quand ça se cassait la gueule, je tombais de haut. C’est tellement rare et précieux d’être amoureux… Ça m’a fait du bien d’écrire sur tout ça. Cela dit, j’assume d’être un “fils de”, c’est clair, net et précis. Mais à 14 ans, un prof m’a mis en commentaire dans une rédaction “ne jugez pas si vous ne voulez pas être jugé”. Donc je ne juge pas les gens qui s’exhibent, je suis même le premier à les regarder sur les réseaux sociaux. Mais, moi, je fais tout pour ne pas être un “people”. J’ai toujours évité de raconter ma vie. Mes histoires personnelles n’ont pas d’importance, sauf si j’arrive à en faire de belles chansons.
Est-ce que votre mère a eu le temps d’écouter votre disque avant sa disparition ?
Non, malheureusement, et j’en suis triste. Je ne lui faisais rien écouter avant que ce ne soit fini, parce qu’elle avait quand même la dent dure. [Il rit.] Même si je m’y attendais, sa disparition a été un vrai cataclysme. C’est difficile à expliquer. Elle avait déjà frôlé la mort dix ans plus tôt, mais jusqu’à ses derniers jours, elle a été vraiment dans la vie. Elle répondait à ses mails, elle a suivi les rééditions de ses albums en vinyle, elle s’est intéressée aux hommages qu’on lui a rendus sur France Inter et à Bourges, et on rigolait beaucoup.
Ces derniers mois, vous étiez très présent auprès d’elle ?
Oui, plus que d’habitude. Je savais que les marqueurs étaient dans le rouge. Je me suis rendu compte du lien que nous avions ensemble, tellement fort, tellement précieux. Tous mes souvenirs d’enfance sont liés à elle… Jusqu’à mes 14 ans, on était tout le temps tous les deux, elle s’est vraiment occupée de moi. Et ce n’est que dans ses dernières semaines que j’ai compris combien ces moments ont été, pour elle et moi, magiques, beaux et intenses. Elle m’a donné un tel amour, plein de rires et de tendresse. Elle m’a toujours regardé avec des yeux émerveillés. C’est fabuleux dans une vie d’avoir eu cette chance-là.
Il n’y a jamais eu entre vous de disputes ou de fâcheries ?
On s’est parfois disputés très fort. Souvent pour des conneries. Mais on se réconciliait tout de suite. On ne s’est jamais couchés fâchés. Elle était exigeante, elle ne faisait pas toujours preuve de diplomatie et ne se mettait pas toujours à la place de l’autre. Donc, il m’est parfois arrivé de l’envoyer paître. Et quand j’étais victime de son courroux ou de celui de mon père, je ruais dans les brancards. Je ne me suis jamais laissé faire.
Comment avez-vous compris que sa fin était proche ?
C’était trois semaines avant sa disparition. Je donnais un concert à Châtellerault et, en sortant de scène, j’ai reçu un texto d’elle disant : “Je t’aime plus que tout.” Je le vois à minuit, je suis très ému, alors je lui réponds par des cœurs et une photo d’elle jeune me tenant moi bébé dans ses bras. Et elle me répond : “Je meurs.” C’est le dernier SMS qu’elle a pu écrire… Mais elle est restée encore trois semaines avec nous. Je suis rentré, je l’ai retrouvée le lendemain chez elle, et j’ai vraiment eu le temps pendant cette période de la prendre dans mes bras, de lui dire que je l’aimais. Ça peut paraître idiot, mais ça m’a fait vraiment du bien de lui répéter : “Je t’aime, tu peux partir tranquille.”
Elle était très inquiète pour vous, elle a tenu pour ne pas vous laisser seul ?
Oui, elle s’est toujours inquiétée pour moi. Pour mes finances, mes choix artistiques, le succès de mon disque. Mais là, dans ces derniers instants, je lui ai dit : “Ne t’inquiète plus. Tout va bien se passer. Tu m’as donné tellement d’amour. Je suis heureux. Tu m’as donné tant de belles choses.” C’était émouvant de lui dire tout ça. Dans les jours suivants, mes amis proches sont venus, mes copains, ma compagne…
Et votre père ?
Il est venu bien sûr. On s’est retrouvés tous les trois ensemble. Et d’un seul coup, elle allait mieux, elle est “revenue” encore. C’était incroyable.
Comment a-t-il vécu ce moment ?
Oh, chez les Dutronc, on ne parle pas trop des sentiments. Il a quand même perdu la femme de sa vie… Pour l’instant, c’est un peu tôt pour en discuter tous les deux. Et comme en ce moment il ne boit pas, il est avare de confidences. Mais je le trouve bien, il a une gueule pas possible, toujours la classe. Il me sidère. Moi, je signe pour être comme lui à 80 ans ! Avec tout ce qu’il a fait, il est encore d’une beauté et d’un charme…
Et il a fini par repartir…
Oui, parce que les médecins nous ont dit qu’elle pouvait “encore tenir quelques jours, quelques semaines”. On espérait jusqu’à Noël. Mais les choses se sont accélérées début juin. Je me souviens de son dernier dimanche, juste avant qu’on la mette sous sédation, le 9 juin. Elle était à l’hôpital américain et elle commençait à avoir du mal à parler. Alors on a mis la télé et, ensemble, on a regardé la finale de Roland-Garros, comme quand j’étais petit. Elle n’était pas spécialement fan de tennis à l’époque, mais elle trouvait Borg très beau. Et elle aimait beaucoup le caractère de McEnroe. Et nous voilà tous les deux, quarante ans plus tard, au bout de son chemin à elle. Je lui ai tenu la main jusqu’à la fin du match, elle avait un grand sourire radieux, apaisé, elle était heureuse, je crois.
C’est la dernière fois que vous l’avez vue consciente ?
Oui. Et je tiens à préciser : ma mère a beaucoup parlé d’euthanasie et a souvent dit qu’elle voulait mourir, mais jamais nous n’avons enfreint la loi. Quand le cancer a pris le dessus, les médecins lui ont simplement permis de ne pas souffrir.
Et elle s’est éteinte le mardi 11 juin au soir.
Oui. Les deux derniers jours, une de mes cousines m’avait dit qu’il fallait qu’on lui mette de la musique pour la laisser partir. On lui a fait écouter des choses qu’elle aimait, mais aussi des titres de mon père et certaines de mes chansons. C’est quand elle a entendu “Aragon” et “Sésame” qu’elle a réagi. [Il sourit.] C’était hallucinant. Je lui ai redit au revoir et je suis parti le lundi 10 au soir. Le 11, j’avais un spectacle avec Pierre Richard. Je ne voulais pas annuler, parce qu’elle voulait toujours que je travaille. “C’est important, Thomas, tu dois chanter, tu dois jouer”, me répétait-elle en permanence. En sortant de scène, j’ai vu la tête de mon manager et j’ai compris. On a pris la route, on a mis mon disque, et là ça m’a fait un grand vide. Je me suis dit : “C’est con, il y a quand même de beaux trucs dessus et je ne pourrai pas lui faire écouter.”
Vous auriez voulu des obsèques intimes ?
C’est ce qu’elle aurait préféré. Mais j’ai vite compris que ça n’allait pas être possible, parce que le public avait envie et besoin de lui témoigner son amour. Et pour mon père comme pour moi, ça a été si touchant de voir tout ce monde au Père-Lachaise. Pendant la cérémonie, il y a eu ce problème technique, et je me suis dit qu’elle devait y être pour quelque chose. Étienne Daho m’a raconté que quelques jours après son décès il parlait d’elle et, en prononçant son nom, une photo encadrée d’elle est tombée d’un mur chez lui. Je suis plutôt cartésien, mais là, quand même…
Vous n’avez pas communiqué sur l’endroit où reposent ses cendres.
Parce qu’on est encore en train de réfléchir à tout ça, on a des idées et, quand tout sera fait, on l’annoncera.
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Ça va, c’est une autre vie. Quand j’ai eu 50 ans l’an passé, quelque chose a basculé en moi. Je vois vraiment la vie aller de l’autre côté. Je sais que je suis arrivé en haut de la montagne et que ça redescend. Alors j’essaie de ralentir pour mieux chérir les moments précieux. Lorsque je suis rentré à Paris après l’été en Corse, je me suis dit en marchant dans les rues : “C’est triste, parce que je ne peux plus appeler maman.” Je ne partageais pas tout avec elle, j’ai même pu être un peu distant parfois, je me dis que j’aurais pu lui parler plus, lui raconter plus de choses, aller la voir encore et encore.
Elle suivait chacune de vos apparitions médiatiques avec appétit.
Oui, elle était ma fan numéro un. [Il rit.] Après son décès, j’ai énormément rêvé d’elle pendant un mois. Là ça s’estompe… Un peu.
Quels sont les souvenirs d’elle que vous chérissez le plus ?
Je raconte souvent que mes parents jouaient peu de musique à la maison. Mais j’ai réalisé récemment qu’elle avait fait en sorte que je baigne dedans. Elle écoutait tout ce qui sortait dans les années 1970, de Sanson à “Starmania” en passant par Balavoine, Mitchell, Souchon, Jonasz. Et elle m’a plongé dans les grandes mélodies. On dit que je fais du jazz, mais je crois que c’est surtout de la chanson. C’est à elle que je dois tout ça. Elle a aussi vraiment fait énormément de choses pour m’inculquer et me donner de bonnes valeurs. Elle ne touchait pas d’allocations familiales, mais s’il y avait eu une loi qui les retire aux parents qui ne s’occupent pas de leurs enfants, elle n’aurait pas été concernée du tout. [Il rit.] Elle faisait très attention à moi, à mes bulletins scolaires, j’ai été très bien élevé. Et c’est ma force aujourd’hui.
Il y a plus de Hardy que de Dutronc chez vous ?
Oh, j’essaie d’être un savant mélange des deux… Ça change selon les périodes. Après la mort de maman, j’ai enfin écouté “Tant de belles choses”, cette chanson qu’elle avait écrite à mon intention. Elle avait souvent dit que c’était pour quand elle ne serait plus là, donc je ne l’avais intentionnellement jamais entendue. Ça m’a bouleversé. C’est tellement beau d’avoir écrit ces mots pour moi. Si ces dix dernières années elle s’est battue autant, c’était avant tout pour moi et pour papa. Parce qu’elle avait cet instinct maternel incroyable. Qu’elle a évidemment eu aussi pour mon père, qui est un grand enfant comme tout le monde sait…
Vous l’avez rendu heureuse, Jacques l’a rendu malheureuse.
Un peu, oui. Mais elle l’a accepté et c’était leur histoire. Je sais qu’elle en parle dans son livre, mais je n’ai jamais voulu le lire, comme je n’ai pas lu celui de mon père… Ce qui est sûr, c’est qu’en matière d’amour elle s’est bien rattrapée avec moi. Ça va me manquer de la serrer dans mes bras, ma petite maman. Mais tout le monde passe par là. Je la vois comme une étoile qui ne finira jamais de briller. Alors le chagrin sera toujours là, mais avec le temps il y aura des sourires pour l’accompagner.
« Il n’est jamais trop tard » (Universal), sortie le 13 septembre. En tournée à partir du 17 septembre.
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