UAE Tour : Alexy Faure-Prost, le « diesel » lancé vers les sommets

Ne lui parlez pas d’âge. Alors qu’il devrait frayer parmi les espoirs, Alexy Faure-Prost (Intermarché-Wanty) gravit les échelons à une vitesse que personne ne pouvait imaginer : ni lui, qui se revoit « vraiment moyen en juniors » il y a à peine plus d’un an ; ni ses dirigeants, qui le propulsent dès cette année parmi les grands du WorldTour, alors qu’il devait continuer à faire ses gammes au sein de l’équipe de développement ; ni les suiveurs, qui découvrent une nouvelle perle dans ce cyclisme ébouriffant où la valeur n’attend plus le nombre des années.

En l’occurrence, Faure-Prost a 19 ans. Il est né en 2004, un an après la génération Grégoire-Martinez-Uijtdebroeks, qu’il a déjà pu côtoyer de très près en courses. C’était en 2021, sur le Valromey Tour, référence pour les jeunes grimpeurs en devenir, et acte de naissance pour le jeune Aindinois, qui prenait la 3e place aux Plans d’Hotonnes, derrière Grégoire et Uijtdebroeks, devant Martinez. « C’est la première fois que j’étais devant sur une course de vélo, et en plus c’était à côté de chez moi, donc je m’en souviens bien« , sourit-il aujourd’hui.

Lenny Martinez fait alors partie du “programme juniors” de la Groupama-FDJ, que Faure-Prost intègrera l’année suivante. “Il a une belle marge de progression et devrait faire partie des meilleurs de sa génération”, salue alors Benoît Vaugrenard, qui accompagne ces jeunes talents avec l’ambition de les faire émerger dans la “Conti” puis la World Tour de Groupama-FDJ. Faure-Prost revient sur le Valromey en 2022, il remporte la dernière étape. Mais plutôt que de s’inscrire dans la continuité en France, son parcours bifurque vers la Belgique.

On cherchait des bons grimpeurs et j’avais remarqué qu’il était vraiment bon”, rembobine Kevin Van Melsen, jeune directeur de l’équipe Circus-ReUz-Technord (la Conti d’Intermarché-Wanty), « mais j’étais persuadé qu’il allait être assez dur de le dénicher. Et puis son manager est venu vers moi en septembre – c’était vraiment tard – pour me dire qu’il n’était pas spécialement conservé dans la structure FDJ. Il m’a demandé si j’étais intéressé et ça s’est fait facilement.”

Même chez les jeunes talents pressés du peloton, à chacun son rythme. Réputé pour être un “diesel”, Faure-Prost a souffert face au rythme effréné et chaotique des courses juniors, pour mieux se révéler chez les espoirs. “Ça m’a fait bizarre d’arriver sur ma première course et de gagner, même si c’était une kermesse [le Grand Prix Raygeo – Villiers-le-Temple]”, raconte-t-il.

La machine est lancée, le grimpeur s’offre un été de feu : 5e du Giro Next Gen, 2e du Tour Vallée d’Aoste/Mont Blanc, 20e du Tour de l’Ain (“j’étais content même si ce n’est pas la victoire, on ne peut gagner directement chez les pros”) et champion de France Espoirs après un numéro face à des coureurs qui ont deux ou trois ans de plus que lui. Mais ne lui parlez pas d’âge…

Quand il a fait 2e sur le Stelvio au Giro [derrière le Norvégien Johannes Staune-Mittet, né en 2002, dans le giron Visma depuis 2021], il était très déçu”, raconte Van Melsen. “Je lui ai dit : ‘Écoute, tu es en première année, tu as le temps.’ Mais c’est un mec qui aime bien la pression et il m’a répondu : ‘Arrête de me parler de première année, ce que je veux, c’est gagner !’ Il sait ce qu’il veut et intrinsèquement il a des capacités énormes.”

Après ces démonstrations, on se bouscule pour recruter le jeune Faure-Prost, ignoré quelques mois plus tôt. “Je n’ai pas trop cherché à savoir”, évacue le principal intéressé, lui même “surpris” par cette montée en puissance. “Je n’ai pas oublié que l’équipe m’a fait confiance pour passer en Conti, on était sur la même longueur d’ondes et le choix n’a pas été très compliqué.” Alors qu’il devait poursuivre avec l’équipe de développement pour la saison 2024, ses dirigeants le font déjà monter chez les grands. “Plus on arrive tôt dans le WorldTour, plus tôt on prend de la force”, se réjouit celui qui a déménagé vers Nice, où il retrouve son copain Lenny Martinez.

Chez Intermarché-Wanty, il bénéficie des conseils de Rein Taaramäe, fait chambre commune avec Louis Meintjes et impressionne lors des stages de pré-saison. “Mais j’attends les premières courses pour vraiment savoir où je suis”, expliquait-il en janvier, lors d’un camp d’entraînement en Espagne. On le retrouve donc à Oman, trois semaines plus tard, sur les pentes de Jabal Al Akhdhar (Green Mountain), où il signe un top 10 au classement général. “Les sensations n’ont pas été aussi bonnes que je l’espérais”, souffle-t-il, “mais je finis juste derrière les Barguil, Vansevenant… Peut-être que j’ai fait une erreur de ne pas les suivre.”

L’UAE Tour (19-25 février) lui offre une nouvelle opportunité de se mesurer aux grands, toujours sur un format “course de côte” (il préfère les enchaînements d’efforts), mais au niveau WorldTour. Il suivra ensuite un calendrier dessiné entre ambition et progression : le GP de Denain (pour se frotter aux pavés) et la Roue Tourangelle (une autre classique, pour travailler le placement), puis le Pays-Basque et la Romandie (“j’espère pouvoir jouer un top 10, c’est un bel objectif”), en passant par les Ardennes avec Liège-Bastogne-Liège Espoirs, sa seule occasion de porter le maillot bleu-blanc-rouge de champion de France de sa catégorie.

Les beaux jours devront lui permettre de viser la Maglia Rosa (Baby Giro) et le maillot jaune (Tour de l’Avenir) – “si j’y vais, ce n’est pas pour faire un top 5” – mais un Grand Tour n’est pas encore au programme. Il ne battra donc pas le record de précocité de Lenny Martinez, plus jeune leader de toute l’histoire des Grands Tours. Mais Faure-Prost nous a déjà habitués à griller les étapes…