Ukraine : avec les « gueules cassées » de la guerre

Le printemps fleurit derrière la fenêtre. Les bombardements incessants sur Kharkiv, le recul des forces ukrainiennes, tout paraît loin. Loin de Genia, qui n’a plus de jambes. Il est l’un des 20 000 blessés qui, chaque année depuis le début de la guerre, sont pris en charge dans les douze centres Recovery de la fondation de l’homme d’affaires Viktor Pintchouk.

Quelque part au nord de Kiev, Genia se fait masser par Julia, physiothérapeute aux yeux verts. Il grimace. 40 ans, amputé au niveau des hanches, les yeux bleus, des traits réguliers et le torse puissant d’un centurion romain. Mais dès qu’il sourit, une bouille de gamin espiègle. Et Genia sourit beaucoup. « Je suis comme ça, dit-il. Toujours de bonne humeur. Des gens s’étonnent. C’est mon bouclier, ce qui me protège de la réalité. » Tandis que des combats acharnés se déroulent sur la ligne de front et que le monde se demande comment l’Ukraine, épuisée, en quête éperdue d’aide, n’a pas encore plié, des soldats, broyés par la guerre, refusent d’abdiquer.

Genia a presque été coupé en deux, le 28 août 2023, à 9 h 30, entre Robotyne et Verbove, en pleine contre-offensive. En tant que « sapeur », il désamorçait les mines pour permettre aux Ukrainiens de pénétrer les lignes russes. Justement, il en avait repéré à l’entrée d’une tranchée russe dévastée, ce qui n’a pas échappé aux drones FPV. Ces frelons pilotés en vue immersive, très rapides et chargés d’explosifs, font des ravages des deux côtés.

Genia, 40 ans, après une séance de kiné au centre Recovery, au nord de Kiev, spécialisé dans les blessés de guerre. L’Ukraine compte douze structures interdisciplinaires de ce type.

Genia, 40 ans, après une séance de kiné au centre Recovery, au nord de Kiev, spécialisé dans les blessés de guerre. L’Ukraine compte douze structures interdisciplinaires de ce type. Paris Match / © Frédéric Lafargue

Alors, l’artillerie a commencé à bombarder. « J’avais le choix entre les shrapnells et les mines, j’ai choisi les mines. Ça se joue en une fraction de seconde. » Il a le temps de se glisser dans un abri. L’explosion a fauché ses jambes. La partie basse de la droite. La gauche, entière, est criblée d’impacts. Ses copains le traînent dans la tranchée remplie de cadavres : « Mes blessures ouvertes ont été infectées par les corps. J’ai compris assez vite que je serai amputé. »

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Genia veut revenir combattre avec les drones : « J’ai encore mes mains. Je peux être utile. »

La peau du ventre servira à suturer les moignons. Grâce à des collectes, il réunit les 45 000 dollars nécessaires à des prothèses ; elles lui seront posées dans le Minnesota, où il devait partir au lendemain de notre visite. Mais pour Genia la guerre n’est pas finie. À son retour, il veut revenir combattre avec les drones : « J’ai encore mes mains. Je peux être utile. »

Ce voyage à la rencontre des gueules cassées nous mène jusqu’au Donbass. Là-bas, le parfum de la défaite se renifle déjà, dans les visages graves, durs, ­fermés, les cigarettes qui se consument au bout des doigts sales, les cernes marqués autour des yeux perdus. Tchassiv Iar est en train de tomber. Chaque jour, les forces russes gagnent quelques arpents de terre trempée de sang. Les rares jeunes recrues sont tétanisées par la trouille. Au loin, les colonnes de fumée montent vers le ciel, les déflagrations font trembler le sol. Impossible, au risque de se faire vaporiser, de s’approcher des premières lignes sans « brouilleur ». Les drones russes bourdonnent partout.

Sa prothèse de bras est inconfortable, alors le capitaine Stass, 32 ans, ne la porte que lors des défilés. Depuis sa blessure,il fait du renseignement. Près de Lyman, le 14 avril.

Sa prothèse de bras est inconfortable, alors le capitaine Stass, 32 ans, ne la porte que lors des défilés. Depuis sa blessure,il fait du renseignement. Près de Lyman, le 14 avril. Paris Match / © Frédéric Lafargue

Le capitaine Stass a l’impression que son bras gauche est plongé dans de l’eau bouillante, que ses doigts se consument. Douleurs fantômes. Son tee-shirt cache un moignon. Il a 32 ans, une gueule pâle d’ange triste. On le rencontre dans une forêt dévastée par les éclats d’obus. Ce capitaine du régiment Azov ne peut plus combattre. Alors, il se déplace dans une bagnole déglinguée pour faire du renseignement. Il a perdu son bras dans la nuit du 14 au 15 avril 2022, à Marioupol, tandis qu’il traversait une rivière pour rejoindre l’usine Azovstal. ­

 J’ai perdu 26 kilos… en comptant mon bras. Mais je savais qu’un jour j’allais revenir buter des Russes 

Stass

L’artillerie russe a frappé les canots. Sifflement, boule de feu. « Mon bras gauche pendait, les os étaient brisés, il ne tenait plus que par des bouts de muscles. J’ai coupé ceux qui ­restaient avec un couteau suisse. Un copain m’a dit : “Garde ton bras, on ne sait jamais.” Je lui ai répondu que, vu son état, j’en n’avais plus besoin. Je l’ai jeté. »

Sous le choc, Stass ne ressent rien, il parvient même à franchir le cours d’eau. Six heures plus tard, il est opéré dans l’usine Azovstal. Par chance, les médecins disposent encore d’antidouleurs. Pendant un mois, il croupit avec un demi-verre de porridge par jour. Il souffre, il a faim : « J’ai perdu 26 kilos… en comptant mon bras. Mais je savais qu’un jour j’allais revenir buter des Russes. C’était juste une question de patience. » Quand on lui demande ce qui était le plus dur pendant le siège, il élude : « Il y a trop de moments tristes. Je vais vous raconter le plus joyeux, quand on a changé de bunker. Dehors, j’ai vu l’herbe verte, le ciel bleu, le soleil. Tu cours avec un seul bras, mais tu es heureux. »

L’usine tombe le 17 mai. Prisonnier, Stass est transféré dans la prison d’Olenivka, gardée par des séparatistes : « C’était horrible. Mais j’ai encore eu de la chance, je n’ai pas été torturé, comme beaucoup d’autres. Le plus dur, c’était l’attente. L’inconnu. On ne savait pas ce qui allait nous arriver. »

 J’ai un peu honte parce que je ne peux pas me battre comme avant 

Stass

Après quarante-cinq jours de détention, il bénéficie d’un échange de prisonniers. « Je me suis bourré la gueule pour fêter ça, j’ai failli en crever », rigole-t-il. C’est à l’arrière, comme beaucoup de soldats sortis vivants de la mystérieuse désolation de la guerre, qu’il sombre dans la dépression. Heureusement, il rencontre celle qui deviendra son épouse l’été prochain. Mais surtout il prépare son retour au front. « Pour continuer la lutte. Si mon exemple peut servir à d’autres, c’est important. J’ai un peu honte parce que je ne peux pas me battre comme avant. C’est comme pour baiser, n’avoir qu’un bras, c’est pas pratique. Je manque d’adrénaline. Les copains me manquent. La plupart sont morts, mais la vie continue. Il faut s’adapter. Se faire de nouveaux copains. J’ai entendu parler de la déclaration de Macron. Donnez-nous plus d’armes, des munitions et de la défense antiaérienne, et on se débrouillera tout seuls. »

À Yegor, de la 72e brigade, il manque une jambe. Nous le rencontrons plus au sud, à la terrasse d’un café de Kourakhove, à une dizaine de kilomètres du front de Mariinka. Il sirote une limonade. 21 ans, un visage d’enfant fatigué, des yeux très clairs, des traits fins, il porte une prothèse métallique à la place de la jambe gauche. Il est revenu du feu hier.

 J’ai peur d’être blessé encore une fois, pas de mourir. Il y a pire que mourir 

Yegor

Le 30 septembre 2022, dans les parages du village de Pavlivka, à une vingtaine de kilomètres plus au sud, Yegor, alors 19 ans, à la tête d’un groupe de six hommes, est monté à l’assaut d’une position prise l’avant-veille. Mission réussie. Dans la tranchée, Yegor ramasse les plaques d’identité sur les cadavres, puis repart vers sa ligne. C’est là qu’il marche sur une de ces sous-­munitions qui fleurissent partout sur le front, déposées par les ­soldats, balancées à coups de canon, larguées par drone, faisant de chaque pas une acrobatie. « Je suis tombé sur le dos. Avec le choc, je n’ai pas compris. J’ai appelé les gars au secours. J’ai hurlé. Ils étaient à 50 mètres et les Russes à 150. »

Blessé aux deux jambes et à un bras, Yegor se place tout seul trois garrots tourniquets. « J’avais du mal à bien serrer », sourit-il. Enfin, des fantassins l’évacuent. « Je voyais bien que, même si ça tenait encore, mon pied était trop loin de ma jambe. » Amputation du pied à Dnipro. Puis infection, et deuxième amputation au niveau du genou. Mais sa motivation est toujours debout. « À l’hôpital, les médecins me disaient que j’allais rentrer chez moi. Moi, je voulais me venger. »

Yegor, 21 ans, avec des camarades de la 72e brigade à Kourakhove, à une dizaine de kilomètres du front de Mariinka, le 13 avril.

Yegor, 21 ans, avec des camarades de la 72e brigade à Kourakhove, à une dizaine de kilomètres du front de Mariinka, le 13 avril. Paris Match / © Frédéric Lafargue

Dans la clinique des Invincibles, à Lviv, on lui pose une prothèse. Il retourne aussitôt au front mais les douleurs fantômes lui pourrissent la vie. Il souffre de névrome. « Il a fallu tout recommencer de zéro. Subir une nouvelle amputation, d’autres opérations. » Et le voilà de retour dans sa brigade le 4 mars 2024. Aujourd’hui, grâce au ­ressort à lame de sa prothèse en ­carbone, il court mieux qu’il ne marche. Mais ­seulement quand il fait beau. Sous la pluie, il est condamné à attendre : « La boue se colle à ma prothèse, ça bloque tout. »

Les commandants disent à ceux qui se plaignent de prendre exemple sur lui. « Soudainement, les mecs n’ont plus mal. » Il se marre. A-t-il peur ? « Tout le temps. Les mines, je crains qu’elles soient magnétiques et que ma prothèse les attire. J’ai peur d’être blessé encore une fois, pas de mourir. Il y a pire que mourir. »

Alexeï, 40 ans, ex-commando de la 95e brigade mais toujours soldat, envers et contre tout. Près de Lyman, à environ 10 kilomètres du front, le 11 avril.

Alexeï, 40 ans, ex-commando de la 95e brigade mais toujours soldat, envers et contre tout. Près de Lyman, à environ 10 kilomètres du front, le 11 avril. © Frederic Lafargue

Le son grave des bombes qui tombent à l’est de Lyman fait vibrer le sol. Alexeï, commando à la 95e brigade, regarde son œil de verre couler au fond d’un gobelet d’eau, le temps de la photo. Il est borgne depuis le 25 mai 2022, quand son camion Ural a roulé sur deux mines antichars. Il doit la vie au « mètre qui sauve », la distance entre le train avant et l’habitacle. Deux explosions pulvérisent le vieux camion, qui commence à prendre feu : « J’ai perdu l’œil tout de suite. J’étais aussi blessé à la jambe. Bloqué dans la cabine, comme le chauffeur. Si on ne se barrait pas, on allait brûler. J’ai pensé à mon commandant Vladimir, paix à son âme. Quand je me suis engagé, en 2016, il nous a dit que les commandos ne sont pas des êtres humains, mais des machines : “Vous êtes les jambes, les bras et les yeux de l’armée et du peuple ukrainien.” On a appris à se battre jusqu’au bout. »

Il parvient à s’extraire de la cabine et à en extraire le conducteur. À ses parents qui le retrouvent à l’hôpital de Dnipro, un médecin annonce : « Pourquoi êtes-vous venus ? Votre fils ne passera pas la nuit. » « J’ai survécu grâce à Dieu, à la forme physique et à la chance. » Alexeï est sourd, boîte, ne peut plus courir. « Fini les troupes d’assaut. J’ai été reversé à la morgue. » Jusqu’au 6 avril, il a travaillé à l’identification des soldats tués au combat, qu’il faut parfois exhumer quand la famille veut vérifier si ce tas de chairs en putréfaction est bien un fils, un mari, un père. « C’est la guerre. C’est comme ça. »

  L’amour, c’est un truc pour les riches 

Alexeï

D’une voix robotique, qui contredit son œil valide, il cite Clausewitz : « Le soldat est recruté, habillé, armé, formé, il dort, boit, mange et marche, tout cela uniquement pour se battre au bon endroit au bon moment. » Aujourd’hui, il enquête sur les véhicules détruits dans la zone de front. Un travail de police qui l’ennuie. Alexeï a 40 ans. Pas de femme. Pas d’enfants. « L’amour, c’est un truc pour les riches. »

De toutes les fibres de son corps, de son âme, c’est un soldat, il aime la camaraderie, le sacrifice, l’ordre. Et quand on lui demande ce qui le fait tenir, il répond : « J’ai vécu en Russie. J’ai grandi près de la frontière et j’ai bossé sur les chantiers en Russie. Je connais le peuple russe. Je ne veux pas que ce soit pareil ici. Que le monde russe nous impose ses règles. On ne sera jamais russes. Les Russes, maintenant, je les hais. »

Sacha, 35 ans, tireur d’élite, a fait deux séjours en hôpital psychiatrique pour des troubles de stress posttraumatique. Sur le front, le 14 avril.

Sacha, 35 ans, tireur d’élite, a fait deux séjours en hôpital psychiatrique pour des troubles de stress posttraumatique. Sur le front, le 14 avril. Paris Match / © Frederic Lafargue

Les plus meurtris sont peut-être ceux qui ne retrouveront jamais la paix. « J’aime le sang, la guerre a révélé le tueur que je suis devenu. » Depuis son engagement, en 2010, après un pari alcoolisé, Sacha, 35 ans, a subi 10 blessures par balle, 15 par shrapnell et 17 commotions cérébrales. Ce tireur d’élite déambule autour du front avec son long fusil dans le dos, et des blessures invisibles qu’il traîne comme une malédiction. C’est par hasard qu’on est tombé sur lui, gueule cassée de l’intérieur. Ses propos glacent le sang. Dans un rade près du front, devant 50 grammes de vodka, il raconte son histoire.

À la guerre, tout est simple. Tu tues, tu es tué. Je ne peux plus retourner à la vie civile 

Sacha

En 2014, à Maïdan, il tirait sur les manifestants. « Je ne supportais pas Ianoukovitch, mais il y avait un ordre. » Puis il est passé du côté des nouveaux maîtres. Combats de l’aéroport de Donetsk, bataille d’Ilovaïsk contre les séparatistes à l’été 2014 : « Un ­carnage. On est trois à avoir survécu dans mon groupe. » Sa grand-mère était déjà sniper pour l’URSS en ­Afghanistan : « Si je crève pas ici, je vais finir comme elle, à l’asile. »

Sacha a quatre enfants qu’il chérit, mais dont il oublie parfois les prénoms : « J’ai honte, mais avec tous les traumatismes, j’ai des trous. » Sa femme a divorcé : « Je la comprends. À la guerre, tout est simple. Tu tues, tu es tué. Je ne peux plus retourner à la vie civile. » Il n’a plus d’amis : « Ça finit toujours par des funérailles, j’en peux plus. »

Sur son téléphone portable, il montre une vidéo de l’un de ses meilleurs amis en train d’agoniser. Il se ressert 50 grammes de vodka. Que fera-t-il s’il trouve dans son viseur son beau-père et son beau-frère qui combattent côté séparatistes ? Il écarte les bras sans répondre. Parmi les parachutistes russes qu’il a tués sur l’aéroport d’Hostomel, le 24 février 2022, il y avait des amis, des gars de Pskov avec qui il avait fait le coup de poing en Afghanistan ou en Irak. Il parle de son record, un type abattu à 1 700 mètres de distance. Il décrit le plaisir malsain qu’il a pris en coupant en deux un autre ­soldat russe : « J’ai adoré voir ses organes internes dégouliner. Tout est filmé, on a des bonus si on tue plus… »

 C’est l’abattoir. On va tous y passer 

Sacha

Mais il dit aussi qu’il est allé deux fois à l’hôpital psychiatrique. « Tout ce qui t’arrive, ça peut pas ­passer comme ça, il y a des conséquences. À la guerre, il y a ceux qui savent tuer mais que ça fait vomir, et puis il y a ceux qui sont contents de tuer, qui fouillent les corps ou pissent dessus. Moi, je suis comme ça. Je suis un soldat tordu, et c’est avec des mecs comme moi qu’on gagne des guerres. Je fais pas ça pour le pognon : 580 euros par mois. Je fais aussi ça pour pouvoir caresser les cheveux de mes enfants quand ils vont dormir. Et pour continuer à le faire, je dois être plus malin, plus rapide, plus fort, plus intelligent que mes ennemis. »

Sacha considère que la guerre dans le Donbass est déjà perdue : « Tchassiv Iar va tomber, on n’est pas assez armés, le pays est corrompu. Les nouveaux mobilisés, mal équipés et qui n’ont jamais tenu une arme, sont envoyés en ligne zéro. Ils meurent vite. Le week-end ­dernier, j’en ai emmené au front. Une heure et demie après, sept étaient morts, un porté disparu. C’est l’abattoir. On va tous y passer. » Il prévient que si l’Ukraine perd la guerre, lui et tous ces types devenus des loups noieront l’Europe dans le sang. Il se sert 50 derniers grammes de vodka, sort son pistolet et tire vers les étoiles qui brillent, indifférentes, au-dessus des champs de bataille : « Les civils qui disent qu’ils comprennent n’ont rien compris. Personne ne peut comprendre. » 

L’écrit initial est réédité de la manière la plus honnête que possible. Pour toute observation sur ce sujet concernant le sujet « men chastity », veuillez utiliser les coordonnées indiquées sur notre site web. sexymendirectory.net vous a préparé ce post qui débat du sujet « men chastity ». sexymendirectory.net est une plateforme numérique qui globalise diverses infos publiées sur le web dont le sujet de prédilection est « men chastity ». Il y a de prévu plusieurs articles sur le sujet « men chastity » dans quelques jours, nous vous invitons à consulter notre site web aussi souvent que possible.

Par Joseph GARCIA

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