Véronique Sanson : « Toutes ces émotions que je chante, les gens les ressentent

Refaire l’histoire n’est pas vraiment dans ses habitudes. Depuis cinquante ans, Véronique Sanson s’est beaucoup racontée en chansons comme dans ses interviews. Mais la peur de lasser, la crainte de se répéter a fini par gagner celle qui détonna en 1972 avec un premier album fou, imposant sa voix singulière dans le paysage de la chanson d’alors. « Véro » se fait plus discrète, se réservant pour la scène.

Depuis janvier, elle a repris la route, au rythme de cinq ou six concerts par mois, proposant un show totalement réinventé, avec ses classiques mais aussi des titres moins évidents, moins connus. Rarement a-t-on vu ces dernières années une telle remise en question. Sanson sort des sentiers archibattus du concert best of pour mieux goûter les acclamations de la foule. Dire qu’il y a quinze ans elle déroutait son public avec des performances pas toujours à la hauteur de sa légende… Désormais, chaque soir, la septuagénaire impressionne par sa force. Par la rage qu’elle met dans son jeu de piano. Par l’émotion qu’elle glisse dans sa voix. Alors, juste avant de fêter ses 75 ans, il nous a semblé urgent d’aller la retrouver dans son fief de Triel-sur-Seine. Pour converser sans filtre et sans langue de bois.

e. Depuis janvier, Véronique Sanson a repris la route, au rythme de cinq ou six concerts par mois

e. Depuis janvier, Véronique Sanson a repris la route, au rythme de cinq ou six concerts par mois Paris Match / © Hélène Pambrun

Paris Match. Vous êtes repartie sur les routes avec un tour de chant complètement renouvelé sans disque à défendre ni nouvelles chansons. Est-ce pour éviter la routine ?
Véronique Sanson.
Oui, notamment. En réalité, j’en ai assez des albums de dix à douze chansons. À 75 ans, on a à peu près tout dit et on a plus que jamais peur de se répéter. J’aimerais sortir quatre nouveaux titres tous les quatre ans, mais je ne sortirai jamais un titre pour sortir un titre. J’adore par exemple “Allô maman bobo” d’Alain Souchon, mais il y a tellement de choses que le public ne connaît pas forcément, j’aimerais tant qu’il les fasse découvrir lors de son prochain tour de chant. Surtout dans cette époque où l’on ne vend plus de disques physiques…

Comment construisez-vous votre propre tour de chant ?
Je ne sais pas vraiment. Là, par exemple, je chante “Véronique” parce que je suis tombée dessus en regardant Instagram. Et il y a aussi les chansons que j’aime bien et que personne ne connaît, comme “Les délires d’Hollywood” qui ne dure qu’une minute et sept secondes. C’est bien de l’interpréter, parce que sinon personne ne l’entendra. Même les vieux titres nous touchent. On a tous vécu un instant de bonheur face à la beauté d’un ciel immense, on a tous vécu des déprimes totales à un moment ou à un autre. Toutes ces émotions que je chante, les gens les ressentent.

Vous pensez qu’on vient vous voir parce qu’on se projette dans vos souffrances ?
Peut-être, oui. Ce qui compte, c’est le partage.

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 J’ai joué avec les poignets cassés, les doigts cassés, les côtes cassées, parce que, dès que je mets un pied sur scène, la douleur s’envole 

Véronique Sanson

Diriez-vous que faire de la scène est comme une thérapie ?
La scène me fait du bien, mais c’est une forme de schizophrénie. Parce qu’on n’est plus du tout la même personne. Face au public, je me sens quelqu’un d’autre. Ma mère me disait toujours, à la minute même où le concert commençait : “Quand tu es au bal, c’est pour danser. Alors, danse.” C’est ce que je vis encore.

Avez-vous le trac ?
[Elle rit.] Le trac, c’est le prénom… Après tant d’années, on sait exactement ce qui peut se passer ou non. Ce n’est pas normal d’aller chanter devant 3 000 ou 4 000 personnes pour leur dire : “Aimez-moi.” Ça, c’est un truc de fou. Mais je sais aussi que j’ai joué avec les poignets cassés, les doigts cassés, les côtes cassées et que chaque fois j’y suis allée. Parce que, dès que je mets un pied sur scène, la douleur s’envole.

Chaque soir, la septuagénaire impressionne par sa force et son énergie.

Chaque soir, la septuagénaire impressionne par sa force et son énergie. Paris Match / © Hélène Pambrun

Vous avez souvent raconté que votre première scène, au Théâtre de la tour Eiffel en 1972, n’était pas une bonne expérience.
Ça ne m’a pas apporté grand-chose, car je faisais trois, quatre chansons en première partie de Guy Mardel, devant des cars entiers de Japonais qui venaient pour tout sauf pour moi. Je me souviens aussi du Salon de l’agriculture, où je chantais devant des mecs rouge vif. Un soir, il y en a un qui a voulu m’attraper les pieds…. Cela dit, l’endroit était magnifique.

 J’avais compris que je ne pouvais pas écrire sur autre chose que ma vie 

Véronique Sanson

Ensuite, il y a eu les premières parties de Polnareff, Julien Clerc ou Claude François. C’était rare, dans les années 1970, de voir une femme au piano interpréter son propre répertoire…
Déjà, je détonnais par rapport aux yéyés qui ne faisaient que des adaptations de standards américains. À l’exception de Françoise Hardy ou de Barbara, peu de gens arrivaient avec leur univers ­personnel. Moi, j’avais compris que je ne pouvais pas écrire sur autre chose que ma vie. J’avais envie de chanter mes mots et à ma manière. Et je me sentais bien dans mon petit monde. Je ne me demandais pas si ça allait plaire.

Dès votre premier album, le public vous suit, et vous comprend.
En France, c’est “Besoin de personne” qui a d’abord marché, au Canada, c’est “Amoureuse”. Ça m’a toujours étonnée.

Le titre “Besoin de personne” est alors perçu comme l’affirmation de celle qui avance, qui fonce.
Oui, pourtant c’est une chanson d’amour : “Je n’ai eu besoin de personne pour le rencontrer un jour.” Mais j’entends ce que vous dites, c’était l’affirmation d’une personnalité. Ce qui n’était pas courant dans la chanson d’alors… Après, il y a eu Higelin, Souchon, Voulzy, qui ont, eux aussi, amené leurs idées et leurs imaginaires.

En arrivant aux Etats-Unis, j’ai ­compris que rien n’était impossible 

Véronique Sanson

Début 1973, vous partez aux États-Unis pour vivre avec Stephen Stills. L’avez-vous vu travailler avec ses camarades David Crosby, Graham Nash et Neil Young ? Ils formaient le groupe le plus important des États-Unis à cette époque…
Évidemment ! Et j’ai tout appris en les regardant faire. En France, le monde de la musique était coincé. En arrivant là-bas, j’ai ­compris que rien n’était impossible. Et je n’étais pas la seule fille, il y avait aussi Carly Simon, Joni Mitchell, dont j’étais la voisine. Quand Stephen partait en tournée, elle me disait : “Viens chez moi”. On faisait de la musique toutes les deux, on jouait nos trucs, on ne se jugeait pas. On a surtout beaucoup rigolé.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’album “Le maudit”, enregistré là-bas ?
C’est vraiment un bel album… Je crois même que c’est mon préféré, celui où j’ai commencé à écrire moi-même pour les cordes, les cuivres, sous l’œil attentif de Jimmie Haskell, l’orchestrateur de Stills. Avant tout, j’écrivais pour Michel [Berger], c’était comme envoyer une lettre des États-Unis vers la France.

Quelquefois, on ne se souvient plus du tout de pourquoi on les a écrites 

Véronique Sanson

Stills se mêlait-il de vos chansons ?
Il m’a aidée quand j’ai quitté Michel, parce que c’était lui qui s’était occupé de tout pour mes deux premiers albums. Je ne savais pas comment réserver un studio, je n’avais pas de musiciens aux États-Unis. Alors Stills m’a permis d’enregistrer avec les siens.

S’est-il intéressé à vos textes ? Comprenait-il que vos paroles étaient destinées à Michel ?
Heureusement, pas trop ! [Elle sourit.]

En ce moment, vous chantez “Bouddha”, enregistré en 1974. Qu’est-ce que ce morceau vous évoque aujourd’hui ?
[Elle réfléchit longuement.] Il dit que le bonheur est le diable. Mais c’est difficile d’expliquer ces chansons après tant d’années. Quelquefois, on ne se souvient plus du tout de pourquoi on les a écrites. Même si, en la chantant, je trouve que c’est une belle chanson.

 Quand on écrit “à chaud” et que l’on ne se sent pas bien, on peut écrire des conneries monstrueuses 

Véronique Sanson

En 1976, vous sortez “Vancouver”, témoignage d’une relation compliquée avec Stills. À cette période, la musique est-elle un exutoire ?
Non, ce sont des observations. Quand on écrit “à chaud” et que l’on ne se sent pas bien, on peut écrire des conneries monstrueuses, parce que c’est trop flagrant. Et là, ça devient impudique. Moi, j’ai toujours attendu, j’ai toujours laissé reposer le premier jet, celui fait avec les larmes, pour mieux le relire le lendemain. Je suis ravie que vous m’expliquiez le sens de “Vancouver” pour vous, mais ce n’est pas forcément le mien.

Quand vous rentrez en France au début des années 1980, vous allez prendre votre temps avant de replonger dans la musique. Pourquoi ?
J’avais envie de planter mes carottes tranquillement dans mon ­jardin. [Elle marque une pause.] En fait, en rentrant, je suis ­devenue paresseuse. J’ai pris du temps pour mon fils, pour moi. Et c’était bien, cette phase de vide qui, après, vous soulève vers quelque chose.

Votre maison de disques ne vous mettait pas la pression ?
Ah ! Si, en permanence. “Il est pour quand, le prochain album ?” “Tu envisages d’envisager ?” Je répondais : “Ça viendra.” Et je ne mentais pas.

Ce qui va arriver sur le plan écologique est terrifiant. Il est absolument nécessaire de continuer à parler de la terre, de l’agriculture 

Véronique Sanson

Par la suite, vous osez des chansons plus engagées. “Un peu d’air pur et hop” sur l’écologie, dès 1988, par exemple.
Je l’ai écrite parce que c’était un sujet qui m’intéressait et qui m’intéresse toujours. Je ne peux que constater que, trente-cinq ans plus tard, rien n’a changé. Au contraire, tout a empiré.

Est-ce le rôle d’une chanson de faire évoluer les consciences ?
Je crois que les gens s’en foutent, du moment qu’ils ont leur petit confort et le chauffage à 19 degrés… Ce qui va arriver sur le plan écologique est terrifiant. Il est absolument nécessaire de continuer à parler de la terre, de l’agriculture. Il faut que les vers de terre survivent pour nourrir la terre et donc nous nourrir. Or ce glyphosate les tue ! L’industrie se dérobe face au problème. Je ne cesse de penser qu’en chantant sur ce sujet-là j’atteins mon but du mieux que je peux.

Vous considérez-vous comme une artiste politique, parfois ?
Non. J’ai pu chanter des textes qui parlaient de social. C’est tout.

 Vous savez, pour moi, l’essentiel, c’est d’avoir un toit et de l’eau. Le reste… 

Véronique Sanson

Avez-vous ressenti une culpabilité face à l’argent gagné ?
C’est bien français comme réflexion, ça. Jamais un Américain ne culpabiliserait de gagner sa vie avec ses chansons. Il se trouve que je fais des chansons, que je suis contente d’en faire, qu’elles ont marché et que j’ai gagné de l’argent avec. En quoi ce serait un problème ? Je suis née dans une famille bourgeoise, où j’ai appris qu’avoir de l’argent, c’est bien, mais que ce qui compte, c’est de vivre avec ce que l’on a. Et vous savez, pour moi, l’essentiel, c’est d’avoir un toit et de l’eau. Le reste…

C’est ce que vous avez transmis à Chris, votre fils ?
C’est plus compliqué pour lui, il est franco-américain, je l’ai élevé entre les deux cultures. Ce sont plutôt mes parents, ses grands-­parents, qui lui ont transmis nos valeurs typiquement françaises. C’étaient des gens très cultivés, très curieux.

 Chaque fois que je chante “Je me suis tellement manquée”, je suis à deux doigts de fondre en larmes 

Véronique Sanson

À quel moment avez-vous compris qu’il serait musicien ?
Tout de suite. Je l’ai mis au piano vers 3 ou 4 ans, comme mon père avait fait avec moi. J’ai vu immédiatement qu’il avait un sens particulier de la musique, il avait l’oreille… Au fond, j’ai toujours espéré qu’il serait musicien, aussi compliquée cette vie soit-elle.

Sur cette vie compliquée, vous avez écrit le plus beau des textes en 1998 avec “Je me suis tellement manquée”.
Je n’ai pas toujours eu une vie extrêmement rangée, j’ai mené une vie plutôt excessive. Et puis, à un moment, je me suis dit : “Je me suis manquée, moi.” Parce que j’ai raté des choses… Chaque fois que je la chante, je suis à deux doigts de fondre en larmes.

 Je ne vis pas avec des regrets. Plutôt avec des remords 

Véronique Sanson

À quel sujet vous êtes-vous ratée ? Quels sont vos grands regrets ?
De ne pas me souvenir des choses. Je me suis fait tellement de mal à l’époque, tellement de mal… Après, je ne vis pas avec des regrets. Plutôt avec des remords.

Vous allez avoir 75 ans cette semaine. Ça vous inquiète de vieillir ?
Non. Il y a des trucs que je ne peux plus faire, j’ai de l’arthrose dans les mains. Mais quand même, je trouve que ça va, j’ai plein d’énergie. Bien évidemment, quand on est bien dans son corps, normalement, on est bien dans sa tête.

Allez-vous finir par sortir de nouvelles chansons ?
Ça finira par arriver, oui, j’en suis certaine. Sinon autant se jeter tout de suite par la fenêtre ! [Elle rit.]

En concert du 22 au 24 avril et les 3 et 4 juin, à Paris (Grand Rex), le 28 avril à Nantes, le 26 juin à Saint-Maurice-de Rémens (Printemps de Pérouges), le 10 juillet aux Nuits d’Istres.

En concert du 22 au 24 avril et les 3 et 4 juin, à Paris (Grand Rex), le 28 avril à Nantes, le 26 juin à Saint-Maurice-de Rémens (Printemps de Pérouges), le 10 juillet aux Nuits d’Istres. © DR

L’écrit initial est réédité de la manière la plus honnête que possible. Pour toute observation sur ce sujet concernant le sujet « men chastity », veuillez utiliser les coordonnées indiquées sur notre site web. sexymendirectory.net vous a préparé ce post qui débat du sujet « men chastity ». sexymendirectory.net est une plateforme numérique qui globalise diverses infos publiées sur le web dont le sujet de prédilection est « men chastity ». Il y a de prévu plusieurs articles sur le sujet « men chastity » dans quelques jours, nous vous invitons à consulter notre site web aussi souvent que possible.

Par Joseph GARCIA

Responsable édition

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