Accusés de viol, Oscar Jegou et Hugo Auradou sont de retour en France mais toujours accusés.
Oscar Jegou et Hugo Auradou sont de retour en France. Les deux jeunes rugbymen français, accusés de viol en marge d’une tournée du XV de France en Argentine début juillet, ont été autorisés par la justice argentine à quitter le pays ce 3 septembre et retourner en France, malgré leur mise en examen pour viol aggravé. Le porte-parole de la justice de Mendoza a tout de même rappelé que le feu vert donné à un retour en France des joueurs par le parquet était assorti de « règles », notamment « se présenter s’ils sont convoqués au consulat d’Argentine en France », se présenter en mode virtuel « aussi souvent qu’il en soit requis », voire revenir « se présenter à Mendoza (à 1000km de Buenos Aires) si ceci leur est demandé ».
Dans la même journée, la plaignante a livré un témoignage dans « Envoyé spécial » sur France 2. « Ils m’ont brutalisée et considérée comme un morceau de viande », explique-t-elle. « Il m’a attrapé le cou. Il m’a mise sur le lit. Il m’a déshabillée comme une brute. Il m’a tirée hors du lit alors que j’étais nue et il m’a soulevée par le cou, à tel point que je n’avais plus d’oxygène. J’ai essayé de réagir en le giflant. Au lieu de l’arrêter, cette gifle l’a incité à continuer ».
Il ma attrapé le cou, ma mise sur le lit et ma déshabillée comme une brute.
Soledad, victime présumée de viol dans l’affaire Auradou-Jegou, se confie en exclusivité à #EnvoyéSpécial
Une interview à retrouver en intégralité jeudi 12 septembre à 21h sur France 2 pic.twitter.com/DxXG1qVPxG
— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) September 3, 2024
Dans un communiqué, la FFR s’est montrée de son côté satisfaite du renvoi en France des joueurs. « La Fédération française de rugby accueille avec satisfaction la décision du parquet argentin autorisant le retour en France, auprès de leurs proches et de leurs clubs, de ses deux internationaux Hugo Auradou et Oscar Jegou », peut-on lire. Comme elle l’a exprimé depuis le premier jour, « la Fédération française de rugby a souhaité écouter la plaignante, mais aussi rappeler sans cesse la présomption d’innocence » clamée par les deux joueurs, « tout en faisant confiance à la justice argentine ». La décision de la justice argentine est une « nouvelle avancée vers la vérité judiciaire des faits », indique-t-elle.
Il y a quelques jours, la plaignante ne s’était pas présentée aux tests psychologiques devant boucler l’enquête, son avocate a annoncé aux médias argentins que sa cliente avait tenté de se suicider. Dans un premier temps, elle avait déclaré que sa cliente « ne se sentait pas en condition », avant de donner plus de détails. La plaignante serait actuellement « assistée par les psychiatres de l’hôpital public« , selon les propos de son avocate, et « dans un état émotionnel bouleversé. » Elle a également indiqué que sa cliente ne pourrait pas être présente à l’audience prévue le mardi 27 août.
Le non lieu pas encore acté
Les avocats des deux rugbymen continuent de plaider pour un non-lieu. En effet, les éléments dévoilés notamment dans la presse argentine ces dernières semaines ont semblé nuancer la version de la plaignante. Le dernier en date : un témoignage d’une femme qui a partagé le taxi avec la plaignante et Hugo Auradou. Me German Hnatow, l’un des avocats des accusés, a en effet déclaré que la témoin aurait vu la victime et le rugbymen « s’embrasser durant tout le trajet, en rigolant et souriant, comme un couple normal ».
Avec ce renvoi en France, les avocats semblent donc plus que confiants. « Depuis le début, le parquet, qui a accès à tous les éléments de l’enquête et qui sait véritablement ce que cette enquête a produit – elle a produit la marque de l’innocence de ces deux joueurs – a d’abord autorisé, il y a un mois, la remise en liberté en Argentine », rembobine Me Antoine Vey, un autre des avocats des rugbymen, sur le plateau de BFMTV. Il fallait que d’autres actes soient accomplis. Ils ont été accomplis », rappelle-t-il. « Ils sont tous revenus à des charges, comme tous les actes de l’enquête. Aujourd’hui, on leur permet de rentrer en France. Dans quelques jours, il y a une décision qui sera rendue pour abandonner les charges. »
Des messages audios qui remettent en cause la version de la victime ?
Des pièces cruciales apportées au dossier ont aussi fuité dans la presse. Il s’agit des messages audios de la plaignante à une amie dans les heures ayant suivi le supposé viol. Le journal argentin La Nacion a dévoilé le contenu d’un de ces messages : « Tu ne sais pas à quel point ce Français était mignon, le plus grand, le gamin était terrible ». Le site argentin Clarin dévoile même des messages beaucoup plus explicites de la part de la plaignante : « J’ai rencontré un rugbyman français. Super grand le mec. Trop beau, trop beau. Je suis rentrée chez moi à 9 heures du matin. À 9 heures ! Je te dois tout, tu m’as encouragée à ne pas rester ici chez moi, toujours la même histoire. Quand je sors, j’en profite. Il m’a éclatée, il m’a éclatée. Il m’a explosée le mec. J’ai des marques sur le dos, la mâchoire. »
Rafael Cúneo Libarona, un autre avocat des deux joueurs, a affirmé le 6 août que « l’innocence des deux joueurs a été démontrée », estimant qu’il y aurait des « contradictions notoires » dans le témoignage de la femme âgée de 39 ans. De son côté, Natacha Romano, avocate de la plaignante, fustige depuis le début une « manipulation » et un « acte prémédité » après la diffusion des messages vocaux dans la presse argentine. « Il y a 23 messages vocaux au total et seulement quatre ou cinq ont été divulgués, dans le désordre en étant totalement sortis de leur contexte », a-t-elle déclaré dans un entretien accordé au Parisien. Elle a par ailleurs affirmé que les joueurs n’avaient « jamais pu répondre s’ils avaient demandé à la victime si elle était d’accord ou non ».
« Des preuves flagrantes » du viol pour la famille de la victime
Dans le même temps, la plaignante reste sur ses positions. « Quand on analyse tout ça en détail, l’unique stratégie des avocats des accusés est de mentir, semer des doutes », a affirmé son frère, interrogé par Le Parisien. Il existe selon lui « des éléments démontrant qu’il y a eu un acte non consenti, un viol, à commencer par la quantité de lésions (quinze) constatées par le médecin légiste le jour du dépôt de plainte. Elle a dit non. Les preuves sont flagrantes. Nous avons peur que la justice ne soit pas rendue, que des pressions politiques influencent le procureur en charge de l’affaire (Darío Nora), qui a pourtant la réputation d’être dur », a-t-il affirmé.
En droit argentin, les violences sexuelles peuvent caractériser des faits allant de l’agression sexuelle au viol aggravé, qui pourraient être passibles de 20 ans de prison.
Des faits qui auraient eu lieu après un match du XV de France
Accusés d’agression sexuelle sur une femme dans la nuit du samedi 6 juillet 2024, à Mendoza, en marge de la tournée sud-américaine du XV de France et après une large victoire contre l’Argentine, Hugo Auradou et Oscar Jégou avaient été arrêtés à Buenos Aires le 8 juillet, d’où l’équipe devait s’envoler pour l’Uruguay en vue d’une nouvelle confrontation.
« Il l’attrape, la jette, commence à la déshabiller et se met à la frapper »
L’avocate de la plaignante a dévoilé dans la presse le récit de sa cliente. Et ce dernier est particulièrement accablant. La victime aurait subi une « violence terrible », selon Natacha Romano, qui s’est exprimée mercredi 10 juillet auprès de l’AFP. « La violence basée sur le genre est extrêmement grave, la dégradation est extrême (…). La violence ici a été terrible », déclare-t-elle.
« Il s’agirait d’un abus sexuel gravement atroce, avec rapport sexuel, avec la participation de deux personnes, avec violence, pour les deux », indique toujours l’avocate. Elle précise le déroulé des faits présumés, indiquant que sa cliente est rentrée à l’hôtel avec l’un des joueurs, « identifié comme Hugo ». « Il l’attrape immédiatement, la jette sur le lit, commence à la déshabiller et se met à la frapper sauvagement d’un coup de poing, dont l’hématome est visible sur le visage de la victime. Il l’étouffe, au point qu’elle a l’impression de se sentir partir », poursuit-elle.
L’avocate affirme qu’Oscar Jegou, arrivé une heure plus tard dans la chambre, a commis « les mêmes actes de violence et d’abus sexuel ». « Ensuite, cet individu part prendre un bain, et Hugo continue à se servir d’elle, en lui donnant différents coups. C’est-à-dire qu’elle [a des traces] de morsures, des griffures, des coups sur les seins, les jambes et les côtes marquées dans le dos », détaille l’avocate, qui affirme également que la victime a tenté de s’échapper « au moins cinq fois », en vain.
Une version contestée
« Des témoins l’ont vue sortir [de l’hôtel], les caméras l’ont vue sortir, il n’y a pas de traces de coups, apparemment, selon les enregistrements. Elle prétend avoir été battue, les caméras disent qu’elle ne l’a pas été », explique pour sa part l’avocat des joueurs. Hugo Auradou et Oscar Jégou affirment que la relation était consentie selon ce dernier.
Selon la procureure générale de Mendoza, Daniela Chaler, « la déposition [de la plaignante] était assez longue, complète, détaillée et correspondait, pour l’heure, aux conclusions médico-légales ». « Les lésions sont compatibles avec le récit de la victime, mais pas nécessairement exclusivement issues d’une agression sexuelle », a-t-elle ajouté.
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