ENTRETIEN. Tahar Rahim : « Aznavour est le rôle pour lequel j’ai le plus travaillé »

l’essentiel Comme toujours avec Tahar Rahim, acteur hors normes, la performance d’acteur est au rendez-vous dans « Monsieur Aznavour », signé par Mehdi Idir et Grand Corps Malade. Lors de la tournée de promotion, il a bien voulu nous consacrer du temps pour évoquer le rôle et son riche parcours… Sortie le 23 octobre.

La Dépêche du Midi : Comment en êtes-vous venu à interpréter le personnage de Charles Aznavour ?

Tahar Rahim : On se connaît bien avec Grand Corps Malade, Mehdi Idir et le producteur Jean-Rachid Kallouche. J’avais trouvé extraordinaire leur premier film, « Patients », et génial « La Vie scolaire », qui ont fait des cartons mérités au cinéma. En discutant pour savoir quel acteur pouvait interpréter Charles Aznavour, je ne m’étais projeté à aucun moment. D’ailleurs, j’ai failli refuser le rôle. Mais j’ai pris le temps de la réflexion et, en me documentant, je me suis rendu compte que les points communs existaient à certains endroits. Comme lui, je suis enfant d’immigrés vivant dans des conditions sociales compliquées. Je rêve d’effacement des frontières parce que, dans nos milieux, on ne se dit pas « Je vais être chanteur ou acteur ». Donc tous ces points communs m’ont rassuré, il y avait des hameçons auxquels je pouvais me raccrocher. Et ensuite, c’était à moi de jouer avec mes crampons et mon piquet. Il fallait que je gravisse la montagne qui était pentue.

Vous avez visiblement vécu une expérience forte…

Oui, finalement, c’était le plus beau plateau de tournage de ma vie ! Ces mecs-là apportent une détente, une aisance, parce qu’ils ont l’ego placé au bon endroit. Tout le monde était logé à la même enseigne. La meilleure idée l’emporte, il n’y a pas de jeu pervers et ils savent installer une ambiance familiale qu’ils ont créée depuis 20 ans. Chaque personne de l’équipe était tellement ravie de vivre cette ambiance que tout le monde a tout donné, et ça m’a beaucoup apporté. Ça m’a porté au plus haut de ce que je pouvais faire sur ce rôle-là, qui a été très costaud à endosser avec ses quatre heures de maquillage tous les matins.

Incarner un tel personnage finalement complexe a-t-il été aisé ? Était-ce difficile de chanter ?

Quel exemple d’abnégation, de puissance, d’écriture, de lettres, d’intelligence, ce Charles ! Quand je repense à cette aventure, j’ai le cœur qui fleurit, je suis très heureux de l’avoir vécue. Et pour chanter, c’était dur. Dans les graves, on s’est rendu compte que ça allait plutôt bien mais pour les aigus j’ai dû beaucoup bosser. Mais c’était le deal de départ, je voulais tout chanter et jouer au piano. Puis on a tout sécurisé en rajoutant la voix de Charles sur la mienne. Mais je chante tout ! Je voulais que ce soit réel.

Comme toujours !

Oui mais je crois que c’est le rôle que j’ai le plus travaillé. Parce que le rôle le demandait. Au-delà de la composition du personnage, de sa psychologie, de la construction intérieure et du travail d’investigation de sa vie, il y avait la gestuelle, le positionnement du corps, le phrasé, l’accent, le chant. Et ensuite, il fallait relever le challenge d’interpréter une telle légende française et internationale, qui persiste encore. Mais j’ai été accueilli chaleureusement à bras ouverts par toute la famille. Ils m’ont tous beaucoup aidé en me racontant Charles à des endroits que je ne trouvais ni dans les livres, ni dans les dizaines de documentaires et centaines d’interviews que j’ai pu voir.

Quel regard portez-vous sur votre carrière internationale ?

Depuis l’adolescence et grâce à la nourriture ciné venue d’Hollywood, mon fantasme d’acteur, naïf et insouciant, faisait que je me voyais là-bas ! Ça rejoint aussi cette envie de la culture étrangère, parce que pour moi, les cultures ne devraient pas s’opposer mais s’additionner. Les États-Unis, bien sûr que ça me bottait ! Et c’est ce qui est arrivé très vite après « Un Prophète » de Jacques Audiard, avec la proposition de Kevin Macdonald qui avait juste vu la bande-annonce, pour tourner dans « L’Aigle de la neuvième légion ». Un rôle en gaélique ancien, pas encore en anglais, mais c’était le début d’un chemin vers l’étranger. Et ensuite j’ai travaillé les langues, j’ai beaucoup bossé. Et pendant un temps j’ai fait des allers-retours pour passer des essais.

Tout était à faire ?

Oui, là-bas, ce qu’il faut comprendre très vite, c’est que quand on décide d’aller se promener et d’essayer de travailler sur le territoire américain, il faut accepter tout de suite qu’on n’est rien là-bas, il faut redémarrer au bas de la chaîne. Mais c’est un challenge que j’aime, j’adore les challenges. Ça réveille en moi une espèce d’instinct de survie parce que je ne peux rater. Mais rien n’arrivait et j’étais prêt à laisser tomber, heureux d’avoir essayé tout de même, et j’ai reçu deux propositions ! Et tout a commencé…

« Monsieur Aznavour » de Mehdi Idir et Grand Corps Malade avec Tahar Rahim, Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup, le 23 octobre au cinéma.

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Par Joseph GARCIA

Responsable édition

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