Lenny Kravitz : « Dieu, l’amour et moi

Je ne reviens pas avec un seul album, mais quatre !

Lenny Kravitz

Paris Match. Six années entre deux disques, c’est inhabituel pour vous.
Lenny Kravitz. Oh, je n’ai jamais cessé de faire de la musique mais, comme tout le monde, j’ai dû faire une pause à cause du Covid. J’étais aux Bahamas et j’en ai profité pour travailler énormément. Je ne reviens pas avec un seul album, mais quatre ! ‘Blue Electric Light’ n’est que le premier étage de la fusée. [Il rit.]

Comment avez-vous choisi les douze titres de cet album ?
Ce ne sont pas douze titres pris au hasard parmi tout ce que j’ai créé. Non, ce sont des titres qui ont la même vibration, le même son, qui fonctionnent le mieux ensemble et qui m’ont semblé les plus immédiats. Les trois autres disques ont des ambiances différentes. Ça ne veut pas dire que je les sortirai, je peux être attiré par autre chose, avoir d’autres envies. Je me laisse porter…

‘It’s Just Another Fine Day’ prend le contre-pied de la chanson sur le confinement : vous vous dites heureux d’être isolé.
C’est une chanson qui évoque le fait d’être éloigné de la personne avec qui vous souhaiteriez être. Encore plus quand vous êtes séparés par un océan. En même temps, il faut vivre sa vie. Et plus on prend du recul sur nos petits problèmes, plus on se rend compte qu’à l’échelle de la planète ils ne sont pas grand-chose. Ce n’est pas une chanson de confinement, c’est une chanson sur l’absence de vivre-ensemble, sur l’absence de communication qui pollue notre monde. Cela dit, même si j’aime bien être entouré, j’ai aussi besoin d’avoir mes moments de solitude. C’est dans l’équilibre entre les deux que je me sens le mieux.

Même si je ne l’ai pas encore trouvée, savoir que la femme idéale existe me rassure

Lenny Kravitz

Il y a deux morceaux clairement sexuels, ‘Honey’ et ‘Let It Ride’. Ça ne vous gêne pas de vous raconter aussi intimement ? Ou ça fait partie de la légende du rock ?
Non, car le sexe est une dynamique commune à beaucoup de gens, il me semble… Alors oui, j’évoque des choses intimes, je parle d’une personne qui m’inspire du désir, sans barrières, sans limites, parce que c’est l’essence même de nos vies…

Vous vantez la femme idéale, comme un Graal après lequel vous courez.
[Il sourit.] Savoir qu’elle existe quelque part sur cette terre me rassure. Je la cherche encore, elle n’est pas évidente à trouver.

Vous avez peur de la rencontrer ?
Non, mais je veux être sûr de moi. Je me suis souvent perdu dans des relations parce que ce n’était pas le bon moment. La musique prend tellement de place dans ma vie. Pour un partenaire, c’est quelque chose qu’il faut comprendre et accepter. Et cela marche dans les deux sens, évidemment…

Dieu est essentiel pour moi. Je ne parle pas de religion mais bien de Dieu.

Lenny Kravitz

Vous avez souvent fait référence à la religion dans vos prises de parole. Avec ‘Heaven’, vous dénoncez les crimes commis au nom de Dieu.
Dieu est essentiel pour moi. Je ne parle pas de religion mais bien de Dieu. Je suis convaincu que l’énergie créatrice qui nous a permis d’arriver sur cette terre est d’ordre divin. Mais les humains en ont fait n’importe quoi, au point de s’entretuer au nom de Dieu. Pourquoi est-ce que nous n’arrivons pas à vivre simplement ensemble ?

Vous avez la réponse ?
Parce que nous sommes humains ! Nous avons des faiblesses et des zones d’ombre. Beaucoup de nos dirigeants sont de ce côté-là, d’ailleurs. Ils sont avides de pouvoir et de contrôle sur les autres. Et c’est ainsi depuis le premier jour… Personne n’a jamais réussi à se sortir d’un conflit sans violence, aussi intelligent l’homme soit-il, aussi développées soient les technologies… Alors que l’on peut faire tellement de choses extraordinaires avec notre cerveau. Tout cela reste incompréhensible pour moi…

C’est votre responsabilité en tant qu’artiste de vous confronter à ces thématiques ?
Je ne sais pas si on peut parler d’une responsabilité, c’est juste ce que je fais naturellement. Tout cela pour moi est de l’ordre du divin, encore une fois. Et ma responsabilité est de prendre soin de ce don.

Vous écoutiez John Lennon chantant ‘Give Peace a Chance’ ?
Absolument. Il fait partie des gens dont les mots ont compté pour moi, tout comme Bob Marley. Et moi, depuis trente-cinq ans, je ne fais que passer le même message : ‘Let Love Rule’. Mon but sur cette terre est d’amplifier cet amour.

Certains continuent parce qu’ils ont besoin d’argent, mais ils n’ont plus le feu sacré. Vous voyez bien à qui je pense.

Lenny Kravitz

Vos concerts vous permettent-ils d’accomplir cette mission ?
Je ne sais pas si j’aurai un jour accompli quoi que ce soit. Mais, oui, quand je vois une salle pleine de gens qui connaissent mes chansons, je me dis que nous sommes là tous ensemble pour célébrer l’amour et comprendre qu’à la fin, c’est toujours lui qui gagne.

Qu’est-ce qui fait que la flamme ne s’est jamais éteinte ?
Je ne sais pas. Je ne fais rien de spécial pour réussir dans ce que je fais. C’est juste là. Et je suis toujours aussi frénétiquement excité, comme lorsque j’étais adolescent. Je ne suis absolument pas blasé. Je suis encore émerveillé quand je rentre dans un studio, je ne sais jamais ce qu’il va s’y passer. C’est comme lorsque vous vous trouvez devant une toile vierge et que vous vous mettez à peindre. Je croise beaucoup d’artistes qui sont dans le métier depuis longtemps. Certains continuent à produire parce qu’ils doivent partir en tournée ou parce qu’ils ont besoin d’argent, mais ils n’ont plus le feu sacré.

À qui pensez-vous ?
Oh, vous voyez bien à qui je pense. Si ça leur convient, tant mieux. Après, je ne me dis pas que je ferai ça jusqu’à la fin de mes jours. En tout cas, en ce moment, je n’ai jamais eu aussi faim, je n’ai jamais été aussi inspiré, je me sens dans le même état d’esprit que lorsque j’ai sorti ‘Let Love Rule’. Ma passion pour les détails, mon envie de tout bien faire pour que mon expression soit pure, rien n’a changé.

Une chanson s’intitule ‘TK421’ : une référence aux stormtroopers de ‘Star Wars’ ?
C’est surtout un clin d’oeil au film ‘Boogie Nights’, de Paul Thomas Anderson, dans lequel un personnage vend une chaîne Hi-Fi à un mec et lui explique que, pour avoir un meilleur son, il faut faire la modification TK421. De la part de Paul Thomas Anderson, il s’agissait d’un hommage à George Lucas et à ‘Star Wars’. Moi, je l’utilise comme une métaphore de ce dont on a besoin pour faire que la vie soit meilleure et que la société évolue dans le bon sens.

Je suis là pour les quarante prochaines années, on se reparlera de l’âge à ce moment-là !

Lenny Kravitz

Il existe des solutions, selon vous ?
Il faut se confronter à ses peurs et les conjurer. Je crois que cela aurait beaucoup de sens pour nos vies.

Avec l’aide de la musique, par exemple ? Ou de la drogue ?
Avec tout ce qui vous permet d’avancer, peu importe la provenance ! Ce qui compte, c’est de ne pas rester dans le même état d’esprit. Et c’est en se lançant à l’assaut de ses défis que l’on peut vivre notre vie.

Vous l’avez expérimenté vous-même ?
Absolument. Heureusement, j’ai changé et en tellement mieux. J’ai évolué, grandi, je me suis amélioré, et c’est un vrai triomphe personnel auquel tout le monde ne parvient pas. Beaucoup de gens restent scotchés au même endroit, n’accomplissent jamais leurs rêves et passent à côté de leur chemin.

Vous venez de fêter vos 60 ans.
Prêt à repartir en tournée ! Je ne pense pas à l’âge, mais je crois ne m’être jamais senti aussi en forme, mentalement, spirituellement et physiquement. C’est l’alignement parfait ! Et je ne me suis jamais senti aussi jeune, bien qu’étant plus vieux…

Donc vous êtes là pour les trente prochaines années ?
Au moins quarante ! Et on se reparlera de l’âge à ce moment-là.